Le Monde Diplomatique, France
The Law Will
Catch Up With CIA's European 'Accomplices'
"All those who have
participated in these abductions, leaders and their underlings, must fear
justice."
By Ignacio Ramonet
Translated By Pascaline Jay
March 2007
Issue
France
– Le Monde Diplomatique – Original Article (French)
Indecency? Cynicism? Perversion? How to
qualify the attitude of European governments, which have been caught red-handed
acting as accomplices with foreign intelligence services [the CIA] in the
clandestine removal of dozens of suspects – who were then dragged into secret
prisons and tortured? Can one imagine a more obvious violation of the rights of
the human person?
Two events testify to the sense of
schizophrenia. First, on February 7 in Paris, the solemn signing by a majority of European governments
of the U.N. Convention for the Protection of All Persons from Enforced
Disappearance took place, which criminalizes the use of
secret prisons. Then on February 14 at the European Parliament in Strasbourg, a report was adopted accusing these very same governments
of complicity with the Central Intelligence Agency (America) CIA in clandestine removals [euphemistically referred to
in the U.S. as extraordinary renditions WATCH ].
According to this report, between
2001 and 2005, CIA aircraft stopped no less than 1245 times at European
airports, often cattrying suspects who were victims
of "enforced disappearances" being clandestinely sent to the illegal
prison at Guantanamo or prisons in allied countries where the use of torture is
a regular practice (Egypt, Morocco). It is now obvious that European governments were well
aware of the criminal nature of these secret flights. And certain among them
did far more than close their eyes. Indeed, Poland and Romania are particularly suspected of having created "mini Guantanamos" on their soil, where people abducted from
Pakistan, Afghanistan or elsewhere awaited their transfer elsewhere.
The British government is
suspected of having taken part in the abduction of suspects and their abuse. So
are the Swedish and Austrian governments. As for the German authorities, they
have been shown - inter alia - of "not having
been unaware" of the abduction of one of their own citizens, Mr. Khaled Al-Masri, and man of
Lebanese origins who had been transferred to Afghanistan. In addition, the Italian secret services are accused of
having helped CIA agents with the secret abduction in Milan of Imam Hassan Moustapha Ossama Nasr, a.k.a. "Abu
Omar," who has been transferred to Egypt where he was apparently tortured and raped
.
This massive violation of human
rights couldn’t have happened without the consent of the High Representative
for the Common Foreign and Security Policy, Mr. Javier Solana, and those of his
associate, E.U. Anti-Terrorism Coordinator Mr. Gijs de Vries. In an eloquent
gesture, Mr. de Vries decided to quit:
"Democratic states" he warned, "must carry out the battle
against terrorism within the framework of respect for the law … Guantánamo, Abu Ghraib, military
commissions and CIA renditions have undermined the credibility of the United
States and Europe."
All those who have participated in
these abductions, leaders and their underlings, must fear justice. They should
also meditate on the destiny of Maria Estela
Martinez, a.k.a. "Isabelle Peron." Peron was the president of Argentina – a country where in the name of counter-terrorism, the
authorities practiced the massively abduction of people for political reasons.
She was just arrested in Madrid, accused of the "enforced disappearance" of
student Hector Faguetti in February 1976, thirty one
years ago … Justice is slow, but it must be inexorable.
French Version Below
CIA, vols
secrets
Indécence ? Cynisme ? Perversion ? Comment
qualifier l’attitude des gouvernements
européens surpris en
flagrant délit de complicité
avec des services étrangers dans
l’enlèvement clandestin de dizaines de suspects traînés vers des prisons secrètes et livrés à la torture ?
Peut-on imaginer plus flagrante
violation des droits de la personne
humaine ?
Deux événements récents témoignent de la schizophrénie ambiante. D’abord, le 7 février
dernier à Paris, la signature solennelle
par la plupart des gouvernements
européens de la convention de l’Organisation
des Nations unies (ONU) contre les « disparitions forcées » (1), qui criminalise l’usage des prisons secrètes. Puis, le 14 février, au Parlement européen de Strasbourg,
l’adoption d’un rapport (2) qui accuse ces mêmes gouvernements de complicité avec la Central Intelligence Agency (CIA) américaine dans des opérations d’enlèvements clandestins.
Selon ce rapport, entre
2001 et 2005, les avions de la CIA auraient fait pas moins de mille deux cent quarante-cinq escales dans des aéroports européens, avec souvent à leur
bord des suspects victimes
de « disparitions forcées »
acheminés clandestinement vers le bagne illégal
de Guantánamo ou vers des prisons de pays complices
(Egypte, Maroc) où la torture se pratique habituellement. Il est désormais évident
que les gouvernements européens n’ignoraient rien de la nature criminelle de ces vols secrets. Certains d’entre eux ne
se sont d’ailleurs pas contentés de fermer les yeux. Ainsi, la Pologne et la Roumanie sont particulièrement suspectées d’avoir aménagé sur leur
sol de « petits Guantánamo »
où étaient incarcérées, en attendant leur transfert définitif, des personnes enlevées au Pakistan,
en Afghanistan ou ailleurs.
Le gouvernement
britannique est soupçonné d’avoir participé à l’enlèvement
de suspects et à leur mauvais traitement. De même que les gouvernements
suédois et autrichien. Quant aux autorités
allemandes, elles sont accusées, entre autres, de « ne pas avoir ignoré » l’enlèvement d’un de leurs ressortissants, d’origine libanaise, M. Khaled Al-Masri, transféré en Afghanistan.
Les services secrets italiens sont,
eux aussi, accusés d’avoir aidé des agents de la CIA à enlever clandestinement, à Milan, l’imam Hassan
Moustapha Ossama Nasr, dit « Abou Omar », transféré en Egypte, où il
aurait été torturé et violé (3).
Cette massive violation des droits humains n’a pu
se faire sans que les services du
haut représentant pour la politique
étrangère de l’Union européenne, M. Javier Solana, ainsi
que ceux de son collaborateur, le coordinateur européen de la lutte antiterroriste, M. Gijs de Vries, en aient eu connaissance. M. de Vries, en un geste éloquent, a choisi de démissionner :
« Les Etats démocratiques,
a-t-il averti, doivent mener leur
combat antiterroriste dans
le cadre du respect des lois
(...). L’accumulation des mauvais
traitements d’Abou Ghraib, des abus de Guantánamo et des enlèvements de
la CIA a miné la crédibilité
des Etats-Unis et de l’Europe (4). »
Tous ceux, dirigeants ou exécutants, qui ont participé à
ces enlèvements doivent craindre la justice. Et méditer sur
le destin de Mme María
Estela Martínez, dite « Isabelita Perón », ancienne présidente de l’Argentine, pays où, au nom de l’antiterrorisme,
les autorités pratiquèrent massivement les enlèvements politiques. Elle vient d’être arrêtée à Madrid, accusée de la « disparition forcée » d’un étudiant, Héctor Faguetti, en février 1976, il y a donc trente et un ans... La justice est lente, mais elle
doit être inexorable.
Ignacio Ramonet.