Terrorisme : Hollande reprend la rhétorique bushiste du «bien» et du «mal»

 

Par Jim Jarrassé

 

Est-ce le simple fait d'être entouré de citoyens américains ou faut-il y voir le signe d'un virage sémantique? Lors de la remise de la Légion d'honneur aux trois Américains et au Britannique ayant évité une «tragédie» en maîtrisant un terroriste vendredi dans le train Amsterdam-Paris, François Hollande n'a pas hésité à évoquer le combat du «bien» contre le «mal», une rhétorique popularisée par le président américain George W. Bush.

 

«Votre héroïsme doit être un exemple pour beaucoup et une source d'inspiration. Face au mal qui est là, qui s'appelle le terrorisme, il y a le bien, celui de l'humanité. C'est celui que vous incarnez», a déclaré, comme l'a noté l'AFP, le chef de l'État lors de son discours à l'Elysée. «Vous avez mis votre vie en jeu pour la défense de la liberté», a insisté, dans la même veine, François Hollande, entouré des quatre «héros».

 

«Bien», «mal», «liberté»... Des mots chers aux néo-conservateurs américains. En 2002, pour préparer les esprits à une opération armée en Irak - baptisée «Liberté irakienne» - le président George W. Bush avait évoqué le combat de l'axe du «bien» contre celui du «mal», dans lequel figuraient la Corée du Nord, l'Irak et l'Iran. Une reprise moderne de «l'empire du mal» théorisé par l'administration Reagan pour désigner l'URSS.

 

Certes, la version hollandaise du «bien» et du «mal» est beaucoup plus consensuelle puisqu'elle se fonde sur la lutte contre le terrorisme et se garde bien d'inclure dans le camp du «mal» un pays ou un groupe religieux ou ethnique précis. Mais elle atteste cependant d'un durcissement du vocabulaire de l'exécutif, à l'oeuvre depuis les attentats de janvier. À plusieurs reprises, comme après l'attentat de juin en Isère, François Hollande a annoncé son intention de «détruire» ou d'«éradiquer» les terroristes, des éléments de langage là encore inspirés du champ de la communication politique américaine.

 

Manuel Valls, lui, est allé plus loin, en évoquant, fin juin, la «guerre de civilisation». Une théorie popularisée par l'universitaire américain Samuel Huntington et reprise par George W. Bush. «En vérité, c'est un combat pour la civilisation. Nous nous battons pour préserver le mode de vie des pays libres», expliquait en 2006 le président américain. En réutilisant ces mots, le premier ministre s'était alors attiré les critiques d'une partie de la gauche, qui avait également fustigé les mots employés par Nicolas Sarkozy en janvier: «Les hommes civilisés doivent s'unir pour répondre à la barbarie», avait assuré l'ancien président après les attentats de Charlie Hebdo.