Bons baisers de Washington
L’éditorial de Pascal Coquis
- Espionnage
États-Unis peuvent se permettre beaucoup de choses, et ils s’en permettent
effectivement beaucoup. Il leur
est toujours pardonné, parce qu’ils sont depuis
70 ans les garants d’un certain
équilibre qui n’est pas ou plus uniquement celui de la terreur, et parce qu’ils sont
des alliés indispensables à toute
opération extérieure, humanitaire ou militaire. Sans leur feu vert et leur
appui, rien ne se décide de ce côté-ci
de la planète, on l’a
encore vu au Mali, on le vérifie en Syrie tous les jours.
Toute à sa vision
d’un monde qui tournerait exclusivement
autour de sa sécurité intérieure et de ses propres intérêts
commerciaux, l’Amérique prend ainsi un certain nombre de libertés avec celle des autres. Des libertés grandissantes et injustifiables d’un strict point de vue
éthique si on n’adhère pas à cette vision hégémonique. En ce sens, Barak Obama, premier Prix Nobel de la paix par anticipation, qui devait
incarner une rupture, va encore plus loin que les deux Bush réunis.
Tant qu’il s’agissait d’espionner et même d’assassiner sans procès ni preuves
des citoyens étrangers sur des sols étrangers comme c’est le cas quotidiennement au Pakistan ou en Afghanistan, l’Europe et ses dirigeants ne trouvaient pas grand-chose à redire.
Comme leurs opinions publiques, ils comprenaient finalement assez vite qu’en
assurant leur propre sécurité, c’est celle du monde que les Américains préservaient.
Vu
sous cet angle, tout devient d’un coup acceptable : la torture, les enlèvements, les drones exécutant
des civils depuis les profondeurs du ciel. Les écoutes illégales aussi, donc, qui permettaient de mettre hors
d’état de nuire des individus
de la trempe de Ben Laden. Priver
les autres de liberté pour
assurer sa propre liberté est un vieux concept.
Il
fallait être bien naïf pour imaginer que les grandes oreilles se referment au seuil des chambres alliées. Un espion est fait pour espionner. Tout le monde et tout le temps. Y compris ses amis,
sa famille. Et il trouvera toujours
une justification à cela. Hier la menace communiste, aujourd’hui le danger terroriste.