Le triomphe des gages
Malick NDAW
27/06/2013
La
scène se déroule au sommet
du G8 à Deauville, et montre Sarkozy
qui, après la photo de "famille", improvise
une conversation entre Obama et le président sénégalais Abdoulaye Wade (85 ans). Ceci a cela de cocasse que Me Wade avait tout tenté, avec comme intermédiaire l’ancien Président français Nicolas Sarkozy, pour présenter son fils Karim Wade à Barack Obama, premier président
noir à la tête des Etats unis.
A
l’époque, on parlait de la volonté de Me Wade de se faire succéder
par son fils. Aujourd'hui
derrière les barreaux de la prison de Rebeuss, non point pour des motifs politiques
mais pace qu'il est soupçonné d'enrichissement
illicite, il entendra les sirènes annonçant le passage de l'homme dont il voulait
forcer l'amitié se rendre
au Palais de la République
pour un rendez-vous librement
consenti.
En
tout état de cause, après avoir
reçu Georges Bush, presque
à la même période mais en 2003 et seulement
pour cinq
petites heures, participé à
tous les G8 et pris part au
Forum Mondial de Davos au titre des chefs d'État africains, en panafricaniste, Me
Wade aura fait des pieds et des mains pour se faire
inviter à la table de Barack Obama voire recevoir une visite
de lui ou encore avoir une complicité
diplomatique plus directe.
Il quittera finalement le pouvoir sans être reçu encore moins recevoir une visite
d’Obama qu’il aura tant espérée. Et pour cause, le président Wade s’était tiré plusieurs balles dans le pied.
Qui
ne se rappelle au Sénégal
de l’audience accordée par Abdoulaye Wade à l’ambassadrice
des USA au Sénégal et en Guinée-Bissau,
Mme Marcia Bernicat, le vendredi
28 mai 2010 et de la violente
diatribe contre la diplomate
américaine, devant les caméras de la télévision nationale ? Le Département d’Etat, outré par cette sortie médiatique, ne pouvait d’ailleurs pas comprendre que la Rts (Radio télévision sénégalaise) diffuse
la séquence des attaques du
Président Wade en passant sous
silence les répliques salées
de Mme Bernicat lors de ce face-à-face. Il ne lui en fallut pas plus pour rappeler sa représentante au Sénégal pour de plus amples informations sur cette affaire.
Les
autorités américaines à l’instar des Sénégalais, n’avaient pourtant commis que le « pêché » d’exprimer à travers un communiqué des préoccupations
relatives à la corruption et au pillage des deniers publics. Mais le ver était
déjà dans le fruit entre le Sénégal
et les Etats-Unis.
Il
va sans dire que les autorités américaines avaient d’autres raisons de fermer la porte de la Maison Blanche à l’ancien président de la République du Sénégal, notamment les multiples atteintes à la liberté de la presse perpétrées par l’ancien locataire du Palais de la République depuis son accession au pouvoir ;
la convocation intempestive des journalistes
à la Division des investigations criminelles (Dic), les agressions contre les journalistes (affaire Kambel Dieng et Kara Thioune) ; les attaques des sièges des organes de presse (L’As et 24 heures Chrono) et but not least,
le forcing du troisième mandat.
Le
désaveu de l’administration
américaine vis-à-vis du régime Wade était d’autant plus cinglant et flagrant que presque aussitôt après le départ du pouvoir du père de Karim, le Sénégal redevenait « fréquentable ». Cela s’est matérialisé par la visite au Sénégal, le 30 juillet 2012, de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Visite
qui n’a pas eu lieu sous le régime de Wade, ceci malgré un lobbying intense et chèrement
payé à des cabinets de relations publiques
américains. Onze mois seulement après cette visite à Dakar de sa Secrétaire d’Etat,
Barack Obama foule enfin le
sol sénégalais.
Ce n’est certes
pas une première dans l’histoire du Sénégal mais cette visite
en terre sénégalaise du
premier président américain
originaire d’Afrique a ceci d’inédit que
pour sa deuxième sortie en terre africaine après le Ghana
en , Barack Obama a choisi comme première étape le Sénégal. Cela se passe un peu plus d’un an seulement après
la deuxième alternance politique au Sénégal qui a consacré Macky Sall à la tête du pays et sept mois seulement
après la réélection du président
Obama pour un second mandat.
Sans
doute intéressé par la qualité de la gouvernance actuelle ou du moins les gages d’une démocratie restaurée et chère à l’administration américaine, Barack Obama, par cette
visite, marque en tout cas le retour aux premières loges de la diplomatie
sénégalaise qui avait commencé à perdre des galons sur la scène internationale.
Des
gages et actes forts de l’administration
sénégalaise qui rassurent visiblement son homologue américain
qui préconisait des « institutions fortes » à la
place d’hommes forts et qui, il
y a peu, faisait comme un pied de nez à l’ancien régime et une « mise en garde » à l’actuel tout en l’appliquant à
tout le continent en déclarant : « Les gouvernements qui respectent la volonté de leur peuple, qui gouvernent par le consentement et non par la coercition,
sont plus prospères, plus
stables et plus florissants que
ceux qui ne le font pas. »