Obama sur le divan
Thomas Snegaroff
30/12/2011 à 04h34
Sigmund Freud
Les Américains
ont la manie de vouloir coucher leur président sur un divan.
Le docteur
Justin A. Frank, déjà auteur d'un « Bush on the Couch » (« Bush sur le Divan »), vient de publier aux États-Unis « Obama on
the Couch ».
La thèse
de l'auteur est simple (simpliste ?
) : l'incapacité d'Obama à s'imposer comme leader s'explique par une enfance qui l'a castré, entre une
mère omniprésente et un père absent.
Frank vient
cependant de noter une évolution dans
le discours d'Obama face
aux Républicains et il l'analyse à nouveau... On ne se refait
pas.
Wilson sur
le divan de Freud
Il n'est pas le premier psychanalyste et/ou psychiatre à proposer une telle analyse
d'un président en exercice.
Un de ses très glorieux prédécesseur
avait commis un ouvrage sur un autre président. Il s'agit de Sigmund Freud et de
Woodrow Wilson.
L'histoire raconte que
le projet n'intéressait guère le père de la psychanalyse mais qu'ulcéré par les propos très « bushiens » de Wilson (sa
présidence étant selon lui un choix
de Dieu) il avait finalement décidé de co-écrire le livre.
Selon Freud, Woodrow Wilson était animé d'un égo surdimensionné lui conférant la certitude (inconsciente)
d'être le Christ rédempteur. D'où sa
volonté d'entrer en guerre
pour apporter la paix éternelle a monde :
« Son inconsciente
identification au Christ lui rendait
impossible de décider d'aller
à la guerre jusqu'à ce qu'il puisse croire
que c'était une guerre pour la paix. »
N'entrons pas dans un
débat qui a déjà fait couler
tellement d'encre, mais interrogeons-nous cependant sur le sérieux d'une psychanalyse
sans le patient devant soi...
Les présidents
refusent de s'allonger !
L'échange est
méconnu. Encore gouverneur
de Californie, Ronald Reagan avait
eu cette réponse à un psychiatre qui lui avait conseillé
d'en consulter un après avoir
coupé des aides à la profession :
« Si je m'allonge sur
ce divan, cela sera pour
faire une sieste. »
Quelques années plus tard, en 1972, le colistier du candidat démocrate George
McGovern, Thomas Eagleton, coupe court aux rumeurs et révèle
que, dans les années 20, il avait
demandé à être interné dans une
clinique psychiatrique pour
lutter contre une dépression par des électrochocs.
Badge du premier ticket démocrate en 1972
Eagleton a beau annoncer que le traitement est ancien et qu'il
est une réussite,
le mal est fait : McGovern a
l'image d'un mauvais leader
car il s'est mal entouré et a fait une grave erreur de jugement en prenant Eagleton comme potentiel vice-président.
Ce dernier démissionnera finalement quinze jours après sa
nomination sur le « ticket » démocrate.
Plus de trente
ans après, en mars 2003, Donald Rumsfeld livre cette pensée
à la presse qui l'interroge
sur les armes de destruction
massive :
« Il y a des connus connus. Ce sont les choses que l'on connaît.
Il y a des inconnus connus. C'est-à-dire il
existe des choses dont nous savons
que nous ne les connaissons pas.
Mais il y a aussi
des inconnus inconnus. Il existe des choses
dont nous savons pas que nous ne les connaissons
pas. »
Dans un article très riche, le philosophe Slavoj Ziziek note :
« Ce qu'il a oublié, c'est le quatrième terme crucial : les “connus inconnus”, les choses dont nous
ne savons pas que nous les connaissons
– ce qui est précisément l'inconscient freudien. »
Le corps contre
l'esprit
En Amérique
(et peut-être en France aussi), avouer s'être allongé sur le divan d'un psy révèle une fragilité
qui cadre mal avec l'image de l'homme
viril qu'il doit dégager. Le corps et l'esprit ne
font pas qu'un et l'on préfère se montrer en train de bouger qu'en train de s'interroger sur ce qui fait bouger.
Alors face à ce
rejet conscient des choses de l'inconscient, il est somme
toute utile que certains, malgré tout, s'y attellent. A quand « Sarkozy on the Couch » ?