Les aveux de Bush sur la torture : un ticket pour la
prison?
Par Jean-François Lisée
10/11/2010
On ne peut
lui reprocher d'esquiver sa
responsabilité. Dans son livre autobiographique, «
Decision Points », paru cette
semaine aux Etats-Unis, l'ex-Président George W. Bush admet
-non, se vante- d'avoir autorisé la pratique dite de la noyade simulée dans les interrogatoires de membres présumés d'Al Qaeda par la CIA.
Le problème ? Bush ne croit pas que cette
méthode « d'interrogatoire amélioré » soit de la torture. Mais l'administration américaine précédente et suivante, comme
les experts internationaux et tribunaux
étrangers, pensent le
contraire.
S'est-il donc, par cet aveu, rendu
vulnérable à une accusation
criminelle (et l'ex-vice-président
Dick Cheney aussi, qui avait
affirmé en entrevue en février dernier qu'il avait été « un chaud partisan de la noyade simulée ») ?
Pour l'instant,
l'administration Obama a refusé
d'ouvrir le dossier de la responsabilité
des membres de l'administration
Bush dans l'utilisation de
la torture et l'actuel Président
a spécifiquement indiqué qu'il ne poursuivrait pas le
personnel de la CIA ayant pratiqué
la torture, prétextant qu'ils
opéraient sous l'autorisation du ministère de la
Justice qui leur avait déclaré -de manière fallacieuse- que la noyade simulée, entre autres, n'était pas de la torture.
Les déclarations
de l'ancien Président relancent le débat et rehaussent la pression mise sur
l'actuel Président.
L'organisme Human Rights Watch, qui dit
avoir recensé 350 cas de torture et de mauvais traitements de détenus, perpétrés par 600 militaires et civils américains, note ce mercredi que
la convention des Nations unies sur
la torture oblige ses signataires,
dont les Etats-Unis, à poursuivre les personnes responsables de torture et presse
l'administration Obama d'entreprendre
des procédures.
Le National religious
campaign against torture, qui regroupe 290 Eglises, réclame de même une commission d'enquête sur le sujet et accuse l'ex-Président d'avoir « violé la loi américaine
et internationale ».
Bush poursuivi…
en Espagne
?
Mais si aucune
action n'est entreprise contre Bush dans son pays d'origine, alors s'ouvre la possibilité qu'il soit poursuivi
dans un pays tiers.
Au total 145 autres pays, dont le Canada, sont signataires de la convention
des Nations unies contre la
torture. Tous les signataires se sont
engagés à en appliquer les
dispositions, même contre
des contrevenants habitant sur
d'autres territoires.
C'est pourquoi des procédures ont été intentées en Espagne et en Belgique
contre des chefs d'Etat étrangers -notamment le chilien Pinochet-, avec des succès
divers. Or la procédure de la noyade
simulée est
considérée mondialement comme une forme
de torture, dont les responsables
doivent être poursuivis.
Le Washington Post citait la semaine dernière un des auteurs de la convention des Nations unies,
le juriste Cherif Boussiani, de l'université DePaul,
pour lequel l'aveu de l'ex-Président le rend théoriquement
vulnérable à des accusations.
En fait, un
tribunal de Madrid a ouvert une
procédure en janvier
dernier contre les conseillers
de Bush qui ont écrit les mémos autorisant, illégalement, la torture. La cause est pendante mais est intentée
justement parce qu'aucune instance américaine n'a ouvert de dossier contre ces responsables.
Il y a fort à parier que George W. Bush soit maintenant dans la mire du
tribunal. S'il venait à condamner Bush, même in absentia,
entrerait alors en action l'entente mutuelle d'extradition en vigueur entre 24
pays européens.
Autrement dit, Bush ne pourrait se rendre dans aucun de ces
pays sans encourir le risque
d'être déporté en Espagne
pour y subir sa
sentence.
A suivre,
et à poursuivre !