Obama sera-t-il l'accoucheur d'un nouveau monde post-américain ?

 

EDITORIAL

 

05/11/2008

 

Ne boudons pas notre plaisir, les bonnes nouvelles sont assez rares en ce moment. Nous, c'est-à-dire la quasi-totalité du reste du monde qui redoutait de ne pas être suivie dans sa passion pour Barack Obama par les électeurs américains à l'heure du choix.

Pour une fois, donc, les Américains sont en phase avec le reste du monde. Ou plutôt l'inverse puisque c'est quand même eux qui ont voté...

 

Barack Obama a séduit par sa jeunesse, son charisme, son parcours personnel et son métissage. Il a su inspirer et donner espoir à un moment de crise et de rupture. Il a incarné l'avenir quand son concurrent septuagénaire avait un parfum de XXe siècle un peu rance. Il a ringardisé des bataillons de politiciens qui sonnent faux, et porté de manière positive la question du dépassement de la question raciale aux Etats-Unis et partout ailleurs.

 

Le candidat démocrate aura réussi le tour de force de réunir sur sa personnalité une majorité d'Américains, mais aussi, incontestablement, une majorité plus grande encore de citoyens du reste du monde, qui a "voté" moralement pour lui.

 

C'est peu dire que le nouveau président-élu a suscité une attente énorme. Pour les Américains, la priorité est l'état de leur économie, qui fut le sujet numéro un de la campagne électorale. Mais dans le reste du monde, il est aussi attendu sur la rupture promise avec l'ère Bush, sans doute l'une des plus désastreuses de l'histoire américaine.

 

Sauf à être déçu, il ne faudra pas s'attendre à des changements brutaux, pas de retrait immédiat d'Irak, et encore moins d'Afghanistan, les deux fronts sur lesquels l'armée américaine est embourbée durablement.

 

Mais un président des Etats-Unis qui mettrait fin à l'unilatéralisme messianique du clan Bush, au manichéisme et à l'arrogance, au mensonge et à la paranoïa, qui prendrait le monde tel qu'il est pour renconstruire une gouvernance en crise, serait une heureuse nouvelle. Pour le monde entier.

 

Un tel programme minimum ferait de Barack Obama l'accoucheur d'un monde "post-américain", selon la formule de l'analyste Fareed Zakaria. Au soir de l'élection, on peut encore espérer, ou rêver.

 

Pierre Haski