Pourquoi n'existe-t-il pas d'Obama français?
Par Guy Numa | Enseignant-chercheur à
Paris-Dauphine |
Il y a quelque chose d’hypocrite
dans l‘« Obamania » qui souffle sur la
La portée de la
candidature du sénateur
noir, vue de France, est peu discutée
voire passée sous silence. Comment expliquer qu’un tel « phénomène
» ne se soit toujours pas produit dans notre pays? Cela fait 160 ans que la
Où est l’Obama français? La courageuse Christiane Taubira eut du
mérite en son temps. Malheureusement,
l’engouement suscité par sa candidature ne
dépassa pas le premier tour de la présidentielle
de 2002. Il faut remonter à l’époque coloniale
pour retrouver les traces d’hommes
politiques noirs talentueux
et situés à de hauts niveaux de responsabilité: Gaston Monnerville,
ancien président du Sénat, a failli
devenir président de la République par intérim en 1969 s’il n’avait renoncé
à son poste quelques mois auparavant;
Félix Houphouët-Boigny,
premier président de la Côte d’Ivoire, eut le rang de ministre d’Etat à plusieurs
reprises. Comment comprendre que
des personnalités issues des colonies françaises dans les années 1950 et 1960 étaient associées à la gestion du pays des Lumières, et qu’aujourd’hui nous n’ayons pas d’Obama français?
Le rôle des partis
Le parcours d’Obama n’a été
possible que dans la mesure où les structures du Parti démocrate
lui ont permis
d’émerger, au-delà de ses attributs
indéniables: charisme et
talent. Tout comme le Parti
républicain a permis à Condoleezza Rice et Colin Powell
d’émerger à des hauts niveaux de responsabilité et de visibilité.
A ceux qui répliquent qu’il faut un début à
tout, que la présence de Rachida Dati et Rama Yade au gouvernement
en est un, et que cela devrait nous
réjouir, je réponds qu’il n’y
a rien de nouveau. La pratique
qui consiste à confier des postes ministériels à des Noirs (Antillais ou Africains)
ou des personnalités d’origine maghrébine n’est pas nouvelle: que l’on songe à
Léon Bertrand, à Roger Bambuck, à Kofi
Yamgnane…
Aux dernières années de l’époque coloniale, des personnalités comme Léopold Sédar
Senghor en 1955-56, Hammadoun Dicko
en 1957, Modibo Keïta en
1956-57 furent aussi titulaires de portefeuilles ministériels. Le dernier d’entre eux sera même vice-président de l’Assemblée nationale. On peut encore citer entre autre Gabriel Lisette entre 1959 et 1961 ou une femme, Nafissa Cid Sara, entre 1957 et 1962.
Le Cran silencieux
Il est donc plus qu’urgent et nécessaire de redoubler de pédagogie sur la portée de la candidature d’Obama. A ce sujet,
j’avoue mon étonnement devant le relatif silence du Cran (Conseil Représentatif
des Associations Noires), j’aurais
aimer entendre cette organisation
expliquer le sens de la
candidature Obama pour les Noirs de France. En tous cas, j’en
attends plus qu’un communiqué.