Pourquoi n'existe-t-il pas d'Obama français?

Par Guy Numa | Enseignant-chercheur à Paris-Dauphine | 22/07/2008 | 20H08

Il y a quelque chose d’hypocrite dans l‘« Obamania » qui souffle sur la France: Obama, noir, jeune et non roublard, est l’archétype de ce que ne produit jamais la classe politique française. Un grand classique en France, l’on se plaît à vanter les mérites de recettes venues de l’étranger sans rien faire pour qu’elles soient concoctées « sur place ».

La portée de la candidature du sénateur noir, vue de France, est peu discutée voire passée sous silence. Comment expliquer qu’un tel « phénomène » ne se soit toujours pas produit dans notre pays? Cela fait 160 ans que la France a aboli définitivement l’esclavage, et force est de constater que l’intégration réelle des « minorités » dans la sphère économique et politique est infinitésimale. A l’Assemblée nationale, la très grande majorité des députés noirs sont les représentants des DOM-TOM; avec une seule exception sur 577 élus, la députée George Pau-Langevin.

est l’Obama français? La courageuse Christiane Taubira eut du mérite en son temps. Malheureusement, l’engouement suscité par sa candidature ne dépassa pas le premier tour de la présidentielle de 2002. Il faut remonter à l’époque coloniale pour retrouver les traces d’hommes politiques noirs talentueux et situés à de hauts niveaux de responsabilité: Gaston Monnerville, ancien président du Sénat, a failli devenir président de la République par intérim en 1969 s’il n’avait renoncé à son poste quelques mois auparavant; Félix Houphouët-Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire, eut le rang de ministre d’Etat à plusieurs reprises. Comment comprendre que des personnalités issues des colonies françaises dans les années 1950 et 1960 étaient associées à la gestion du pays des Lumières, et qu’aujourd’hui nous n’ayons pas d’Obama français?

Le rôle des partis

Le parcours d’Obama n’a été possible que dans la mesure les structures du Parti démocrate lui ont permis d’émerger, au-delà de ses attributs indéniables: charisme et talent. Tout comme le Parti républicain a permis à Condoleezza Rice et Colin Powell d’émerger à des hauts niveaux de responsabilité et de visibilité.

A ceux qui répliquent qu’il faut un début à tout, que la présence de Rachida Dati et Rama Yade au gouvernement en est un, et que cela devrait nous réjouir, je réponds qu’il n’y a rien de nouveau. La pratique qui consiste à confier des postes ministériels à des Noirs (Antillais ou Africains) ou des personnalités d’origine maghrébine n’est pas nouvelle: que l’on songe à Léon Bertrand, à Roger Bambuck, à Kofi Yamgnane

Aux dernières années de l’époque coloniale, des personnalités comme Léopold Sédar Senghor en 1955-56, Hammadoun Dicko en 1957, Modibo Keïta en 1956-57 furent aussi titulaires de portefeuilles ministériels. Le dernier d’entre eux sera même vice-président de l’Assemblée nationale. On peut encore citer entre autre Gabriel Lisette entre 1959 et 1961 ou une femme, Nafissa Cid Sara, entre 1957 et 1962.

Le Cran silencieux

Il est donc plus qu’urgent et nécessaire de redoubler de pédagogie sur la portée de la candidature d’Obama. A ce sujet, j’avoue mon étonnement devant le relatif silence du Cran (Conseil Représentatif des Associations Noires), j’aurais aimer entendre cette organisation expliquer le sens de la candidature Obama pour les Noirs de France. En tous cas, j’en attends plus qu’un communiqué.