Hollande et l'oncle Sam
15
FÉVRIER 2014
PAR
JEAN-LUC GASNIER
« A nos amis français, je vous propose que nous en fassions encore davantage pour la
sécurité de nos concitoyens, pour la prospérité à
laquelle ils aspirent et pour la dignité des peuples, partout dans le monde,
qui désirent ce que nous avons déclaré il y a deux siècles, à savoir ces droits inaliénables,
ces droits sacrés de l'homme.». Mardi
dernier, lors de la cérémonie
d'accueil du président F
Hollande à la Maison-Blanche, B Obama, a flatté, sans aucune retenue, l'orgueil conjoint de la
France et des Etats-Unis.
Quand les politiques
prennent la parole sur ces avant-scènes très médiatisées, le lyrisme est toujours
de circonstance mais,
derrière ces belles envolées,
ces grandes déclarations d'amour, les obsessions et les priorités mercantiles laissent bien peu
de place aux idéaux. Les objectifs
communs sont en fait
beaucoup plus prosaïques.
Les
Etats-Unis et la France étaient
déjà « alliés au temps de Jefferson et de La Fayette
» mais il y a bien longtemps que l'esprit de La Fayette et de
Jefferson n'inspirent plus les rencontres
entre l'Amérique et le vieux
continent. Comme à l'accoutumée,
et spécialement pour ce déplacement aux USA, l'avion présidentiel n'était pas rempli de philosophes, d'idéalistes ou bien encore de défenseurs des droits de l'homme, mais encombré de patrons d'entreprises et de soi-disant « pigeons », étranglés par les impôts et les dépenses publiques. Le motif de leur déplacement, comme pour tout autre voyage à l'étranger, ne laisse guère de doutes : en la circonstance, leur objectif n'était assurément pas, en rencontrant
les politiques et les chefs d'entreprises
américains, de donner plus
de droits aux peuples et
aux citoyens mais bien d'oeuvrer et d'influer afin de donner plus de liberté aux
entrepreneurs, ce qui signifie
le plus souvent moins de
protections et de garanties pour tout ce qui constitue, de part et d'autre de l'Atlantique et au-delà, des biens communs accessibles à tous. Comment en faire encore davantage
pour la prospérité à laquelle
leurs sociétés transnationales aspirent, en restreignant au besoin la possibilité pour les peuples de
vivre dignement dans des espaces publics non assujettis
aux puissances de l'argent
? Comment faire en sorte que
« l'amitié » entre la France et les USA débouche sur des opportunités supplémentaires de développement, de marchés, de croissance, de profits ?
En
la matière, notre président n'est pas dépourvu d'imagination. Le traité TAFTA (Trans-Atlantic Free
Trade Agreement ), actuellement en négociation entre l'UE et les
USA, doit selon lui être signé
le plus rapidement possible. Peu
importe que ce traité soit
autant controversé, lourd de menaces pour nos droits sociaux et notre environnement, négocié dans une
opacité inquiétante : il est favorable au commerce, réclamé par les multinationales
et le MEDEF et, de ce fait,
il « constitue une vraie opportunité
». Selon F Hollande, « aller
vite n'est pas un problème, c'est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu'il
y aura une accumulation de peurs,
de menaces, de crispations. ( . . .) Si nous sommes de bonne foi, si
nous sommes respectueux des
positions des uns et des autres,
si nous sommes attachés (…)
à la croissance, nous pouvons
aller vite »
La
mondialisation et les accords de libre-échange
multilatéraux qui l'accompagnent
rongent chaque jour un peu plus les fondements démocratiques des sociétés ; les
institutions élues sont contournées quand elles ne sont pas purement et simplement bafouées par des accords ad hoc qui instaurent
leurs propres règles de fonctionnement. Le président de « la patrie des droits de l'homme et du citoyen », en fondamentaliste libéral, n'y trouve
rien à redire et trouve au contraire que ce processus de déssaisissement et de sape ne va pas assez vite.
Il
faut nous résoudre à admettre que, finalement,
F Hollande aime les USA pour tout ce
qui contribue à les rendre si impopulaires chez les altermondialistes. F Hollande se range aux côtés de l'oncle Sam, cette caricature de l'impérialisme
américain et du grand capital, coiffé
de son chapeau haut de forme et le cigare au bec. Mais, F Hollande n'est-il pas devenu lui-même une caricature, la caricature de l'homme
politique arriviste, cynique
et sans réelle conviction, désormais
l'instrument et le jouet
des lobbies dominants ?