Cynisme
et cécité
Michel Touma
05/08/2014
En date du 21 janvier
dernier, nous avions publié
dans ces mêmes colonnes un article ayant pour titre
« Obama et les jihadistes européens ». Nous avions alors relevé
la passivité troublante du président Barack Obama face aux massacres perpétrés à grande échelle par le régime de Bachar
el-Assad et, surtout, l'obstruction
US à toute aide miliaire à l'opposition syrienne, alors même que
le pouvoir à Damas bénéficie d'un soutien massif et illimité de la part de la Russie
et de l'Iran ; une telle attitude, soulignions-nous,
ne pouvait avoir pour retombée inéluctable que le renforcement des courants jihadistes et radicaux.
Les événements
en cours à Ersal ainsi que la série
d'attentats-suicide dont le
pays a été le théâtre au cours des derniers mois sont, à n'en
point douter, l'aboutissement
prévisible de l'implication
du Hezbollah dans la guerre syrienne.
Mais ils sont également le résultat, tout aussi prévisible, de la politique de «
laisser-faire, laisser-aller » pratiquée
par le chef de la Maison-Blanche dans
la région.
Le président
Obama est, semble-t-il, obnubilé par sa volonté de conclure
un accord stratégique avec la République
islamique iranienne. C'est sans doute cette obsession qui le pousse en
2010 à faire fi de l'issue
des élections législatives
en Irak (belle leçon de démocratie!) pour aboutir à une entente avec le pouvoir iranien afin d'imposer
comme Premier ministre irakien l'homme lige de Téhéran, Nouri al-Maliki,
alors que celui-ci était arrivé deuxième à ce scrutin, derrière l'homme fort sunnite, Iyad Allaoui. Depuis,
on connaît la suite des événements
: M. Maliki a systématiquement marginalisé
pendant quatre ans la composante sunnite irakienne, appliquant une politique aveuglément
alignée sur l'Iran. Et l'administration Obama
feignait de ne rien voir... Jusqu'au jour où elle a prétendu
avoir été « surprise », il y a quelques semaines, par la violence de la réaction
non pas tant de Daech que de l'ensemble des ulémas et des tribus sunnites. Est-ce possible qu'elle ait fait preuve d'une telle
cécité politique et qu'elle n'ait pas su prévoir que
l'alignement de Maliki sur
les bons vouloirs des mollahs iraniens ne pouvait aboutir qu'à une radicalisation
sunnite ?
Même phénomène de cause à effet en Syrie : en s'opposant obstinément à la fourniture d'armes à l'opposition syrienne – contre l'avis de son secrétaire d'État alors en exercice, Hillary Clinton –, Barack Obama donnait de facto carte blanche à Bachar
el-Assad pour qu'il poursuive
ses massacres généralisés ainsi que le recours
à la famine comme arme de
guerre, sans compter la torture pratiquée
à l'encontre de dizaines de
milliers de prisonniers, comme l'illustrent les photos horrifiantes présentées il y a quelques jours à la commission des Affaires étrangères
de la Chambre des représentants
par le photographe de l'armée
syrienne, « César », qui a fait défection.
L'impunité octroyée de la sorte par le président US au tyran de Damas, combinée à l'arrogance du Hezbollah au Liban
et à sa participation aux massacres contre la population sunnite en Syrie, a débouché sur un résultat classique et inévitable, dans un tel cas,
en situation de guerre : un renforcement des courants radicaux et une montée aux extrêmes en Syrie et au Liban, avec au finish un risque
croissant de débordement jihadiste
au sein même des sociétés américaine et européenne.
Au cours
des derniers mois, nombre de hauts responsables occidentaux, notamment français, et plus particulièrement l'ancien ambassadeur américain à Damas, ont souligné
sans détour que c'est le maintien de Bachar el-Assad qui renforce effectivement les jihadistes. Une grande inconnue
persiste sur ce plan : M. Obama irait-il, comme il en donne
l'impression jusqu'à présent, jusqu'à sacrifier toute la région sur l'autel
d'un accord avec l'Iran, même
au risque de donner libre cours à des organisations radicales telles que Daech,
au comportement, soit dit en passant, hautement suspect
?