Abraham, Moïse, les Arabes et Israël
03/05/2013
Par Ali Jamaleddine
Dans un article intitulé « Ma réplique au président Obama » (L’Orient-Le Jour du jeudi 18 avril 2013), le Dr Charles Khalifé se range délibérément dans le camp de ceux qui s’évertuent depuis des dizaines d’années à confiner la très juste cause palestinienne dans la paralysie et le désespoir. Je m’explique :
1. Le Dr Khalifé affirme dans deux phrases qui se suivent que les Israéliens auraient dû rester « chez eux en Chaldée », mais que la Palestine est « arabe, en plein milieu du monde arabe ». Il dénonce donc une invasion qui a eu lieu 1 800 ans avant le Christ, mais il entérine une invasion qui a eu lieu 700 ans après le Christ. Si on emprunte sa logique, les Arabes auraient dû « rester chez eux en Arabie (...). Ce n’est même pas une utopie mais une dangereuse fantasmagorie (...) qui alimente le conflit majeur du Proche-Orient (...) ».
2. Comme par hasard, l’auteur lance aussitôt après une attaque frontale contre le fondateur et les prophètes du monothéisme. Et par conséquent, il heurte dans leurs convictions les plus profondes et les israélites et les chrétiens et les musulmans.
Comment se permet-il d’affirmer que « Dieu n’a jamais parlé » à Abraham ? Que fêtent donc les musulmans et les druzes au jour béni de l’Adha sinon le sacrifice que fait Abraham au Dieu unique de ce qu’il a de plus cher au monde ? (...).
Notre Prophète affirmait fièrement que les Arabes sont les descendants d’Ismaël, le premier-né d’Abraham. Que cette affirmation soit scientifiquement prouvable ou pas n’a aucune importance. Elle démontre que Mohammad a éprouvé le besoin de lier organiquement son peuple au vénérable patriarche Abraham, « père des croyants », comme l’appelle si justement la liturgie chrétienne.
Sous la plume du Dr Khalifé, on apprend dans la foulée que Dieu n’a pas confié à Moïse les dix commandements et que celui-ci les a forgés de toutes pièces. Il me suffit de relire ces dix ordres pour me rendre compte qu’ils étaient et demeurent la recette la plus simple et la plus efficace pour sortir l’homme de son animalité. En niant le prophétisme de Moïse, l’auteur rend caduc l’enseignement de Jésus qui a déclaré ces mêmes dix commandements inaltérables et éternels.
Le Dr Khalifé affirme que Dieu « n’a jamais parlé » à Jésus (...). À moi, mon Coran dit dans la quatrième sourate, à l’âya 171, que Jésus est le
messie et le prophète de Dieu, et même davantage : « Sa parole qu’Il a déposée en Marie. » Dieu a donc fait davantage que parler à Jésus : il a parlé en Jésus.
Au quotidien, pendant trente-trois ans, la parole de Dieu a communiqué familièrement, parfois solennellement, avec les hommes ; elle les a rassurés, guéris et même ressuscités. Elle a revendiqué Abraham comme père, selon la chair, et Moïse comme unique législateur agréé. Elle continue à nous parler au quotidien. Elle nous exhorte à traiter les conflits politiques et territoriaux avec bon sens, dans le respect et l’amour de l’autre, fût-il notre ennemi. Jusqu’à la fin des temps, elle nous demandera de ne pas tuer, de ne pas voler, de ne pas porter faux témoignage.