À voir et à revoir
Éditorial
Issa Goraieb
13/06/2009
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Tout ce
que vous croyez savoir sur l'Iran est faux, titre en couverture un grand hebdomadaire américain, proposant à ses lecteurs une approche
plus réaliste et objective du cas
persan. On lit notamment
dans cette édition, publiée à la veille de l'élection présidentielle iranienne d'hier, que la République des ayatollahs n'a en réalité nulle inclination pour
les équipées suicidaires.
Qu'elle est toute disposée
à la négociation, qu'elle pourrait bien se satisfaire, au bout du compte,
d'un programme nucléaire pacifique et non militaire.
Et que si
elle n'est certes pas une démocratie, elle n'est pas non plus une dictature monolithique,
mais plutôt une oligarchie laissant place à un intense débat
entre élites au pouvoir.
On ne sait
trop si ce
regard nouveau peut suffire
pour, entre soir et matin, faire du peu charismatique président
Ahmadinejad la coqueluche des Américains.
Ce qui est clair, en revanche,
c'est que la démarche reflète la politique de dialogue et d'ouverture
instituée par le président
Barack Obama. C'est avec le même entrain, souvenez-vous, qu'à la veille de l'invasion de l'Irak, la grande presse US avait emboîté le pas à George W.
Bush pour accuser Saddam Hussein de tous les maux de la création.
Souvent tenu dans
le passé pour quantité négligeable,
notre pays a sa part, cette fois, de vision Obama. Des diplomates américains du plus
haut rang se sont succédé ces derniers temps à Beyrouth pour affirmer avec insistance
qu'aucune normalisation
entre Washington et le tandem syro-iranien n'aurait pour effet un abandon du
Liban. Et hier même, le représentant spécial de la Maison-Blanche au Proche-Orient, chargé de réactiver
les négociations de paix, est venu assurer les Libanais qu'aucun règlement du conflit arabo-israélien ne pourrait intervenir aux dépens du Liban. À quoi le président Michel
Sleiman a fort à propos répondu
en rappelant le nécessité vitale, pour le Liban, d'un
retour à leurs foyers des réfugiés
palestiniens installés sur son territoire : question qui
se trouve être une des rares à faire l'unanimité des Libanais, et qui d'ailleurs est dûment consignée dans le préambule de la
Constitution.
Il reste
qu'en attendant que se mettent en place les canaux de négociation régionale, il y a plus urgent à faire pour les Libanais.
C'est de se doter enfin
d'un État qui ne soit pas
de pacotille, de se soumettre
à un système politique qui fonctionne :
ce sont les pays frappés de paralysie qu'on achève le plus aisément en effet. Pour cela, sans doute nous faut-il, à notre tour, jeter un regard neuf sur le monde qui nous entoure. Et
d'abord, et surtout, sur le volcanique microcosme ou nous vivons.
C'est à une lecture honnête des résultats des législatives du 7 juin, sans triomphalisme ni complaisance
d'un côté, sans obstination
aveugle ni mauvaise foi de l'autre, que doivent
se livrer aujourd'hui les Libanais. À l'opposition
il incombe de renouer avec une tradition démocratique voulant, comme l'exige le bon sens, que la majorité
parlementaire gouverne et que l'opposition censure l'action de l'Exécutif. Quant à la majorité, elle
est invitée à remédier aux failles apparues dans son action et faciliter autant que possible une telle réinsertion, sans pour autant renoncer à ses idéaux.
Quoi qu'il en soit, ce qui ne souffre aucune discussion, c'est qu'une nette majorité
de citoyens a plébiscité une certaine idée (et même une idée certaine)
du Liban.
Cette idée, c'est celle d'un pays épris d'indépendance et de souveraineté,
non d'alliances étrangères,
d'un pays en quête de stabilité
et de prospérité, non d'aventurisme
révolutionnaire ou guerrier. Au seuil
d'une saison touristique des plus prometteuses,
et après plusieurs étés systématiquement pourris à coups
de crises, on serait bien avisé de ne pas l'oublier.
Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb