Le Liban dubitatif devant la ligne Obama
Par Émile Khoury | lundi,
avril 27,
2009
Une question que tout
le monde se pose, ici comme
ailleurs :
comment Obama va-t-il traiter
le dossier du Moyen-Orient, poudrière
du monde ? Maillon faible de la chaîne,
le Liban s'inquiète, craignant d'être victime, encore une fois, d'un quelconque bazar. Car,
pour commencer, le nouveau président américain propose aux Iraniens comme aux Syriens l'ouverture et le dialogue. Ce qui produit ordinairement un marchandage émaillé d'offres alléchantes.
Mais il
risque de se heurter à des refus, ou à des conditions rédhibitoires menant à l'impasse. Sinon dès le départ,
comme on l'a vu avec la réaction négative de Khamenei, du
moins à tout moment ensuite.
Que ferait-il alors ? Brandirait-il le bâton à la place
de la carotte, et en userait-il ? Son prédécesseur
l'avait bien fait, en
Afghanistan comme en Irak, mais sans parvenir à porter ce coup décisif
sans lequel le recours à la
force est encore plus préjudiciable
qu'inutile.
Délivrez-moi, mon
Dieu, de mes amis, je me charge de mes ennemis. Jamais ce dicton
ne s'est mieux appliqué qu'aux Américains, présentement représentés par
Obama. En effet, Israël, allié organique des États-Unis qui ne peuvent le lâcher, leur pose un sérieux problème.
Surtout avec l'avènement de
Netanyahu, chef de file de la droite dure, survenu, par une de ces conditions ironiques de l'histoire (ou ses équilibres
?), en même temps que l'accession d'Obama, tête du centre gauche à l'américaine,
à la Maison-Blanche.
Concrètement, comme Shamir avant lui à Madrid, Netanyahu voudra certainement contourner les volontés américaines qui se résument en une formule : deux États
mitoyens, un palestinien et
un israélien. Car, lui aussi, il
estime que la notion de paix se résume à la sécurisation des frontières, et
du territoire, de l'État hébreu. Et lui
également il pense que ce
souci de garantie sécuritaire
ne peut aller avec la
restitution des territoires arabes
occupés qui revêtent une importance stratégique ou logistique, si l'on songe
à l'eau. En d'autres termes, il rejette,
par conviction intime, les résolutions
de l'ONU, de la conférence
de Madrid, la feuille de route du quartette, le projet Mitchell et l'initiative arabe du sommet 2002. Des plans
qui se fondent tous sur l'équation : la terre moyennant
la paix.
La logique de Netanyahu repose sur l'alliance objective avec les radicaux
de la région, palestiniens,
arabes ou perses. Les activistes
lui donnent en effet raison quand il affirme
qu'on ne peut parler de paix tant que la violence, les attentats ou les tirs de missiles perdurent. Il souligne que la sécurité d'Israël est toujours menacée
sur le front palestinien,
par le Hamas, ainsi qu'à la
frontière avec le Liban par
le Hezbollah, malgré le déploiement
de l'armée libanaise et de
la Finul. Il fait valoir, de plus, que la paix n'a pas grand sens si elle
ne lie pas les peuples et pas seulement
les gouvernements, en citant
le cas de l'Égypte et de la
Jordanie. En bref,
Netanyahu n'accorde aucune
importance à la paix en regard de la sécurité.
Alors que peut bien faire Obama ? Comme Carter, Clinton et
les deux Bush, il soutient la logique des Arabes modérés : la sécurité que
réclame Israël ne peut être que
le fruit d'une paix globale juste, les faits le montrent amplement. Une fois conclu un
tel accord, impliquant que chacun recouvre
ses droits territoriaux ou nationaux, la violence tomberait d'elle-même. Les fractions palestiniennes
et le Hezbollah n'auraient
plus de raison de garder leur
arsenal et d'opérer, une fois la libération parachevée.
Autrement, et puisqu' Israël se plaint tant de l'Iran, cette puissance pourrait, dans le cadre de ses visées régionales, continuer à armer et financer le Hezbollah et le Hamas. Via la Syrie, qui se soucie
peut-être moins de récupérer le Golan que le Liban, par procuration du 8 Mars.
Le dilemme d'Obama est simple mais
fort. S'il ne parvient pas
à convaincre Netanyahu, il devra lui céder. Tenter
de sécuriser totalement la région comme introduction à la paix. Mission impossible, même si l'ouverture sur l'Iran et
la Syrie aboutit à des résultats positifs. Car ni le Hezbollah ni le Hamas, et encore moins d'autres groupes comme el-Qaëda, n'obéissent au doigt et à l'œil à personne quand leur propre
cause est en jeu.