Une guerre pas à la hauteur de la menace
Par : Mustapha Hammouche
Kobané est sur le point de tomber aux mains de l’État islamique. Pourtant le monde s’est coalisé pour s’opposer à l’expansion des forces “djihadistes” : à terrorisme global, guerre globale. Une soixantaine de pays se sont affiliés à la coalition initiée par les USA pour stopper l’avancée de l’EI et, à terme, le détruire.
Mais l’effet de cette intervention alliée ne se constate pas sur cette alliance, ne se constate pas sur le terrain. L’armée de l’État islamique continue d’avancer plutôt qu’elle ne recule.
Elle poursuit sa guerre totale, façon rouleau compresseur, mettant en déroute les armées qui s’opposent à son avancée, écrasant les populations qui lui résistent et instaurant son ordre aux territoires conquis.
À terrorisme global, mais, en face, il n’y a pas de guerre globale en réalité. Chacun des pays coalisés fait sa guerre. Les États-Unis, seule puissance peut-être capable de supporter le coût d’une guerre durable loin de son territoire, ont limité l’impact de leur intervention en s’interdisant d’envoyer des hommes au sol. Maintenant qu’Obama a fait du principe de ne plus dépêcher des troupes sur le terrain un élément de doctrine, l’EI est rassuré : ses groupes de terroristes voltigeurs se prêtent si peu à la stratégie du tout-aérien. Une armée mobile, mêlée à la population, avec peu de moyens lourds et de grosses installations, doit être si peu vulnérable aux frappes aériennes.
L’on s’aperçoit que les armées impliquées dans l’intervention sont contraintes de bombarder à l’économie, le stock de missiles n’étant pas illimité. On l’observe avec la France en
particulier dont les frappes se révèlent parcimonieuses.
Ces contraintes strictement militaires sont compliquées par les statuts différenciés des territoires où sévit l’EI : l’Irak est demandeur, mais la Syrie est dirigée par un régime dont la légitimité n’est reconnue par presque aucun des pays coalisés ; c’est un pays où aucune autorité ne détient la souveraineté aux yeux des ces États. Cible de tous en Irak, l’EI bénéficie de l’appréciation différenciée quand il s’agit d’intervenir en territoire syrien.
Quant aux États arabes, qui, pour la plupart, ont participé à la mise sur pied et à l’équipement de l’armée islamique, la nature de leur contribution reste mystérieuse. Si la Jordanie s’est signalée par quelques raids, les pays du Golfe semblent plutôt enclins à faire enregistrer par les puissances alliées leur alignement de principe à l’objectif de destruction de l’armée barbare de l’EI. La position de la Turquie est encore plus paradoxale : elle ne va tout de même pas prendre part à la défense des nationalistes kurdes, à Kobané ou ailleurs ! Par certains aspects, la guerre de l’EI est presque sa guerre.
Chaque pays a des raisons nationales de faire la guerre à l’État islamique : l’assassinat de citoyens par les bourreaux de l’organisation terroriste, la présence de ressortissants et de résidents dans les troupes de l’État islamique et le danger que présente leur retour éventuel et futur au pays… Alors, chacun fait sa guerre en fonction de sa manière de percevoir la menace de État islamique.
Dans cette guerre, l’EI seul a une stratégie lisible. En face, c’est la somme de petites guerres sans stratégie globale. Face au terrorisme global, il n’y a pas encore de guerre globale.
musthammouche@yahoo.fr