Panopticon
1
juillet 2013 à 22:26
Par
NICOLAS DEMORAND
La
sphère privée n’existe plus. C’est la première conséquence de la gigantesque pulsion
de surveillance planétaire qui anime les Etats-Unis, dont Edward Snowden décrit depuis quelques
semaines l’organisation méticuleuse et réticulaire. Rien de ce qui est montré, dit
ou écrit sur Internet n’échappe à ce Panopticon électronique
qui scanne, copie et stocke tous les échanges. Que cette
masse inimaginable de données
puisse ou non être exploitée finit par sembler mineur au regard de l’infraction brutale, durable, sans doute même irréversible contre ce qui fonde
toute démocratie : le
respect de la vie privée. Quant à l’espionnage
d’ambassades de pays européens
alliés et des locaux de l’UE, il symbolise
de manière caricaturale la faiblesse du Vieux Continent. Déjà incapable de collecter l’impôt des géants du Web américains qui commercent sur son sol et ouvrent grands leurs serveurs aux agences de renseignements de leur pays, comment même songer qu’il puisse
créer, appliquer et défendre un Habeas corpus numérique
? Imposer ses propres lois sur la propriété
des données personnelles et
la relocalisation des serveurs
informatiques ? Pour reprendre
l’expression de Pierre Bellanger,
l’Europe semble s’interdire de penser l’idée même de «souveraineté numérique», alors que celle-ci
fonde désormais une part essentielle de la
puissance des Etats. Et s’impose,
de fait, comme le sujet éthique, politique, économique, international majeur
de l’époque.