Désemparé
Par NICOLAS DEMORAND
Exécutif, législatif, judiciaire :
la philosophie politique enseigne qu’un Etat démocratique se fonde sur la séparation
de ces trois pouvoirs ; mais également sur la dynamique de contre-pouvoir que chacun déploie
face aux deux autres, un pouvoir ne se limitant
pas de lui-même. La crise économique a balayé ce vieux
schéma. Depuis trois ans qu’elle
dure, ses
épisodes marquants, son
tempo ironique rappellent à
quel point il est désormais obsolète.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel annoncent, satisfaits et en grande pompe, leurs projets
européens
? Quelques heures
plus tard, une agence de notation les balaye et les ridiculise, en plaçant la zone euro sous
surveillance négative. Au schéma
fondateur de la démocratie succède désormais une nouvelle organisation des forces, brutale : un nouveau pouvoir, économique, sans contre-pouvoir capable de le limiter ni
même de le réguler, domine tous les autres et dicte sa loi. Jamais
le rapport de forces et de faiblesses ne fut à ce
point visible ; jamais le pouvoir politique ne sembla à ce
point désemparé. La campagne
présidentielle aura pour principal enjeu de masquer le désarroi du politique et l’impossibilité même de toute action politique efficace :
les trois années qui viennent de s’écouler démontrent que les pompiers ont couru
après les incendies, toujours
en retard. Les commentateurs se focaliseront
sur la beauté des mouvements diplomatiques et l’habileté des compromis. Alors que tout se jouera, aujourd’hui et demain,
dans la gestion des conséquences sociales de la crise.