Principes

 

18/05/2011

 

Par NICOLAS DEMORAND

 

Livres publiés, témoignages sur plateau télé, liaison avec une économiste du FMI couverte par la presse mondiale. Sans même parler d’une chronique de Stéphane Guillon qui fit rire la France entière ! Qui peut dire qu’il ignorait la réputation de DSK ? Pourtant, le débat monte et, une fois encore, les journalistes français sont au banc des accusés. On connaît la chanson. Nous aurions su et n’aurions rien dit. L’omertà régnait. Les rumeurs scabreuses, les racontars graveleux, le fameux milieu «médiatico-politique» se les gardait pour les dîners en ville mais se gardait bien de les publier. Quitte à ramer à contre-courant de l’époque et contrairement aux injonctions entendues ici et , Libération continuera, premier principe, à respecter la vie privée des hommes et des femmes politiques. C’est un principe démocratique hypocrite aux yeux de certains, mais fondamental. Imparfait mais nécessaire. Dans certains cas frustrant mais essentiel. Mettre ce principe au rencart conduirait, quel paradoxe, à favoriser à court, très court terme, la victoire du «buzz» et du «trash» au nom de l’information de qualité. Deuxième principe : le légal et l’illégal. Que des adultes consentants aient une sexualité libre, libérée, libérale, libertaire ou libertine, ne regarde pas les journalistes qui ne sont ni des professeurs, ni des modèles de vertu. Pas plus qu’une rédaction n’est une brigade des mœurs. Sa vocation n’est pas de se retrouver «embedded» dans les boîtes échangistes ou les hôtels pour savoir qui couche avec qui. En revanche, les délits et les crimes sexuels présumés exigent un travail d’enquête journalistique, hélas trop rarement mené en France. Sans doute aussi parce qu’il est compliqué : impossible de porter plainte à la place des victimes, difficile de réunir des preuves dans ce type d’affaire. Sans ces éléments, les possibles informations restent des rumeurs et les enquêtes, des impasses. Ce n’est pas faute d’avoir essayé mais faute d’avoir pu étayer.

 

Troisième principe : l’interférence entre la vie privée et la vie politique. User de son pouvoir pour étouffer une affaire de mœurs; mettre en scène de manière mensongère une vie familiale factice pour tromper les électeurs. Sur tous ces sujets, également, l’enquête est impérieuse. Il existe donc en France un espace déontologique cohérent même s’il est taché de zones grises. Que faire de la drague lourde et de l’humour sexiste dont certaines journalistes ont pu être l’objet, dans le cadre de leurs relations avec les politiques ? Les rendre publics, dévoiler les coulisses lorsque cela devient nécessaire. A quel moment la sexualité devient un sujet politique ? Toujours se poser la question et ne surtout pas hésiter à la retourner aux intéressés.