O’Donnell au stade oral

 

Par Didier Péron

 

Vous avez aimé Sarah Palin, vous allez adorer sa nouvelle protégée Christine O’Donnell, 41 ans, candidate du Tea Party au Sénat dans le Delaware qui a réussi à écarter le vétéran républicain Mike Castle, lors des primaires pour les élections de mi-mandat. Le Tea Party n’est pas une association de buveurs de thé vert mais un mouvement ultraconservateur, apparu en 2009 afin de lutter contre les plans de renflouement économique d’Obama et son programme de réforme du système de santé. Miss O’Donnell, très croyante (elle fréquente l’église évangéliste), a jusqu’ici mobilisé l’essentiel de son énergie pour défendre l’abstinence sexuelle, condamnant à la fois l’avortement (y compris en cas d’inceste ou de viol) et la masturbation. Elle a dénoncé les méfaits de la révolution des mœurs des années 70 qui aurait surtout permis la diffusion de l’épidémie du sida.

 

Sur la photo, elle est surprise au maximum d’une certaine pornographie connue sous le nom de code «Deep Throat» (gorge profonde). Dans les cercles policés, il n’est pas de bon goût d’exhiber ainsi sa luette et sa glotte, offertes ici au regard d’un observateur(trice) malheureusement maintenu(e) hors-champ et dont on ne peut du coup décrire l’expression (horrifiée ou ravie).

 

«Belle performance, madame mais qui vous a appris à faire çapourrait dire une voix off en bande-son, tandis que le plan suivant, un énorme anaconda phallique, surgirait afin de remplir la petite gourmande à la mesure de ses stupéfiantes capacités buccales. Peut-être est-elle en train d’imiter le hurlement de Janet Leigh dans la scène du meurtre sous la douche de Psychose ou d’ausculter au miroir l’adorable effet de reprise, ton sur ton, entre sa blanche dentition et son collier de perles ? On peut aussi imaginer qu’elle a menti sur son âge et que, née en 1936, un lifting radical lui a permis d’effacer les ravages du temps mais au prix (fort) d’une incapacité définitive à fermer la bouche.

 

L’image a quelque chose de douloureux, évoquant le décrochage de mâchoire de la Verdurin dans Un amour de Swann «pour avoir trop ri», ou quelque performance suraiguë de cantatrice dans une mise en scène moderniste de la Flûte enchantée, avec Papageno dans le fond, de dos, vêtu d’un tee-shirt.

 

Si on tape le nom de Christine O’Donnell sur Google images, on s’aperçoit que de nombreux photographes l’ont immortalisée dans cette posture peu avantageuse, d’autres l’ayant cadrée au niveau des cuisses et de face, montrant qu’elle lève les deux pouces des mains (thumbs up) en signe de victoire. En fait, plusieurs journaux sur leurs sites reproduisent une légende identique indiquant que la pasionaria du Tea Party est en train «de plaisanter avec un des ses partisans en attendant d’être interviewée», le soir de la fête ayant suivi la déclaration des résultats, mardi dernier.

 

Donc, contrairement à ce que l’on pourrait croire, si on cesse de délirer à fonds perdu, la photo d’actualité est quand même trompeuse car la candidate ne pousse pas un cri de joie à la découverte de son score mais, en aparté amical, surjoue la folle dingue ravie, presque queer, tant elle ressemble à une actrice de sitcom cherchant la connivence avec un public de rires enregistrés au moment de placer l’ultime gag avant générique. En cela, elle est parfaitement raccord avec la société du spectacle telle qu’elle se déploie à travers le «lol» photographique, globalisé via Facebook ou YouTube, faire le singe pour la galerie est désormais érigé en impeccable leçon de maintien.