Nouvelle victime de la folie meurtrière de la justice texane, Hank Skinner sera assassiné
dans la prison de Huntsville
par Arnaud Gaillard, sociologue,
Coordinateur du 4e Congrès
mondial contre la peine de mort - ECPM
Il sera minuit heure française mercredi, quand la justice américaine va se rendre coupable d’un nouvel assassinat. 18 heures au Texas, c’est l’instant choisi par la prison de
Huntsville pour accomplir impunément
un simulacre de justice. A cette heure, sa
femme, une française,
Sandrine Ageorges, va devenir
la veuve d’un homme qu’elle n’a pas été autorisée à voir pendant deux ans, un homme dont
le décès va être techniquement mis en scène, 16 années après les
frais reprochés.
Au cours
des longues minutes pendant lesquelles
les seringues électriques vont inoculer la mort dans les veines d’un homme bien portant
de 48 ans, d’autres seringues électriques, partout dans les services anti cancéreux
des hôpitaux du monde, propulsent
minutieusement leur chimiothérapie pour sauver des
vies. A l’instant où des sauveteurs risquent leur propre existence pour ramener à la vie des femmes, des hommes,
des enfants, toujours animés par l’idée majeure que le seul véritable
ennemi sur cette terre, c’est
la mort, la fin implacable, le deuil insupportable,
des hommes de justice vont revêtir leur sombre
costume de justicier fatal. Cette
ironie quant au prix de la vie nous rappelle la survivance des bourreaux, au service d’une justice
qui persiste à tuer pour satisfaire le désir de vengeance d’une triste majorité
de « bien-pensants ».
Devons-nous nous accoutumer à cette
dangereuse absurdité? Qu’on ne s’y trompe
pas. Ce ne sont pas tant
les proches de victimes de meurtre qui invoquent la peine capitale. Se rappelant la violence de la perte
d’un être cher,
ceux-là sont suffisamment sages pour reconnaitre
qu’en aucun cas la mort des uns ne répare la mort des autres. Les défenseurs de la peine capitale sont davantage
les esclaves de la peur, ceux qui trop facilement
voient dans leurs semblables une éventuelle hypothèque de leur propre existence, ceux qui
persistent à brandir, pensant
être modérés, la
justification d’une justice radicale
pour les crimes les plus graves, tels que les viols d’enfants, les meurtres en série ou les rapts. Cet état d’esprit conduit à ne trouver de l’apaisement que dans la neutralisation irréversible de nos semblables. Une telle certitude constitue pourtant un mépris
de la rationalité, comme la
foi dans un illusoire pouvoir dissuasif que personne,
nulle part, n’a jamais été en mesure
de démontrer. L’obscurantisme persiste décidemment
au 21e siècle à nourrir les conceptions les plus folles de la justice pénale.
Coupable ou innocent, pendant 16 ans, Hank Skinner va
implorer les tribunaux pour que
soient pris en compte les tests ADN susceptibles de le disculper. En
vain, il va
s’éteindre, le sang empoisonné
par les trop fameuses
injections chimiques de la justice texane.
Cette violence souligne toute la perversion de la politique
quand il
s’agit de séduire des votants à partir d’un clivage manichéen séparant les bons de ceux que des esprits
trop simples qualifient de
«dangereux définitifs». Cette sévérité extrême, se fonde sur un cocktail de certitudes que confère l’oubli
de quelques dimensions pourtant
essentielles: rien n’a jamais rendu
le respect des autres obligatoire,
d’une part, et la violence fait partie
intégrante de notre espèce, d’autre part. C’est pour cela
que se rendent coupables tous ceux qui font de la mort un outil
de justice.
N’oublions jamais qu’en
démocratie, le vote peut se
nourrir d’intentions barbares. Se reconnaitront tous les promoteurs du sécuritaire, tous les inconséquents qui instrumentalisent la victimisation
au profit de l’ordre, tous les
inconscients qui brandissent
la peur de façon démagogique, comme un étendard de séduction, tous ceux qui n’ont
pas encore saisi que la magie du pouvoir consiste justement à décider à l’encontre des
instincts vengeurs toujours
stériles et parfois meurtriers.
Au Texas,
les juges sont élus. Là-bas comme ici,
il semble
plus facile de gagner des voix
en promettant une impunité et une sévérité sans égale. Là-bas comme ici,
les électeurs se fédèrent autour de l’idée que «l’Autre» est un ennemi. Cette façon éculée
de penser la politique, d’organiser la société, et de rendre la justice, a déjà
fait onze morts cette année aux Etats-Unis. Des exécutions dont on espère comme bénéfice qu’elles permettent un jour d’éliminer le crime. Finalement, n’en déplaise à tous ces naïfs adeptes de la réparation radicale et
dissuasive, en 2010, dans 58 pays, la criminalité, qu’elle soit organisée par la loi ou punie
par ces mêmes juges, continue à faire des victimes.
Et il faudrait
être fou pour s’en rassurer.
C’est en soutien à Hank Skinner et pour lutter contre
cette idée de justice meurtrière,
que nous, la société civile, appelons à un rassemblement mercredi 24 à 17 heures place de la Concorde.