Rédemption
laurent joffrin
Les Kennedy, ou la rédemption. La légende qui plane depuis des décennies sur la politique américaine ne tient pas seulement au malheur qui a frappé si souvent cette
famille patricienne, hantée par la cruelle passion du pouvoir. Elle est née, tout autant, d’une étrange
mystique du rachat. Il n’y avait pas, dans les années 40 et 50, clan plus cynique
et plus acharné dans la conquête des honneurs. Un père brutal et menteur, très riche et très louche, marqué par ses accointances avec la mafia et
son indulgence pour Hitler. Des fils ambitieux et frivoles, cachant derrière le chromo glamour de la côte Est un sens
inné de la manœuvre et du calcul. Mais bientôt,
une fois cette avidité de gloire assouvie, une capacité inégalée
à incarner le rêve américain et l’ardeur progressiste. Ainsi, par l’action et par le verbe, John et
Robert firent oublier leur part obscure pour entrer dans le panthéon des héros américains. Ainsi Ted, le benjamin viveur promu sur
son nom, paniquard à Chappaquiddick, héritier malheureux battu par Jimmy Carter dans la
course à l’investiture en 1980, est-il
devenu par le travail et la conviction acquise sur le tard, législateur avisé et conscience du Parti démocrate. Le dernier des Kennedy fut
somme toute le premier des sénateurs, adoubant de son autorité souriante Barack Obama contre un autre clan ambitieux et glamour, celui des
Clinton. Rédemption…
Il
en va ainsi des figures de
la démocratie, ambiguës et d’une humaine faiblesse.
Seules les dictatures prétendent à la pureté. Les
régimes de liberté sont fondés sur l’imperfection.