Procès
: la Scientologie risqué la
dissolution
Angélique
Négroni
25/05/2009
Le tribunal correctionnel de Paris juge à partir de lundi sept adeptes et
deux personnes morales pour escroquerie en bande organisée. Pour la première
fois, l'organisation court
le risque d'une dissolution
de sa principale
structure en France.
Jusqu'à présent, la justice n'était parvenue qu'à éclabousser la réputation de certains de ses membres.
Elle pourrait désormais
porter un coup fatal à la Scientologie
en France. Tel est l'enjeu du procès qui s'ouvre lundi devant
la 12e chambre du tribunal correctionnel
de Paris. Un procès exceptionnel qui devrait faire
date dans les annales judiciaires. Aux côtés de sept prévenus, l'association spirituelle de l'Église de scientologie-Celebrity
Centre (ASES-CC) - la principale
structure en France située à Paris - est pour la première fois mise en cause en tant que personne
morale dans un dossier d'escroquerie
en bande organisée. La société anonyme SEL, la librairie phare de l'organisation, figure également au nombre des mis en examen.
Ce renvoi en correctionnelle décidé par le juge d'instruction,
Jean-Christophe Hullin, peut
se révéler lourd de conséquence pour l'organisation. Durant les onze jours d'audience prévus, cette dernière
joue en fait son avenir en
France car, au terme des débats
et en cas de condamnation, la dissolution pourrait
être prononcée. Une sanction qui n'expose certes que les deux organisations
parisiennes. Mais, pour
beaucoup, si elle était appliquée, elle marquerait le début du déclin de l'empire Ron Hubbard dans notre pays.
Au cours
de ce procès,
les débats vont se concentrer sur le but visé par cette organisation. A-t-elle pour
vocation de promouvoir une méthode d'éveil spirituel comme elle l'indique ou est-elle une
vaste entreprise destinée à escroquer des victimes pour dilapider leur fortune, comme en est convaincu Me Olivier Morice, l'avocat des victimes ?
Pour ce dernier, ce procès est l'aboutissement
d'un long bras de fer entre la justice et la Scientologie. «Il y a eu un jugement important à Lyon en 1997 et
des condamnations pour escroquerie.
Les méthodes de l'organisation
soumises aujourd'hui aux magistrats sont les mêmes qu'il y a douze ans. Mais la justice peut condamner la structure et
non plus les lampistes.»
Cures
de vitamines et séances de
sauna
Dans son ordonnance de renvoi, le juge d'instruction a donc passé en
revue tout l'attirail du scientologue
et les traitements auxquels il doit
se soumettre. Il y a l'électromètre, que les membres doivent se procurer pour
5 000 euros et présenté comme un outil important dans le cursus des adeptes. Il y a aussi les vitamines à prendre en cure. Selon l'ordonnance, s'il n'est qu'un leurre
pour donner une apparence scientifique aux tests,
le premier ne fait mal qu'au porte-monnaie.
Les secondes, à l'inverse,
seraient plus nocives.
Elles auraient pour conséquence, selon ce même
document, de «plonger les personnes
dans un état de fatigue extrême, entraînant une désocialisation progressive
(…) et finalement une
situation de sujétion». Un état savamment entretenu par des séances de sauna interminables,
des épreuves physiques à répétition
et des cours pouvant durer douze heures.
De quoi rendre sans résistance même le plus vaillant des adeptes, selon le juge d'instruction.
Cette terrible image de machine à broyer
les victimes, Me Patrick Maisonneuve,
qui défend l'ASES-CC, va tenter
de la combattre. «Il ne s'agit
pas de savoir si la scientologie
est une religion ou non», prévient-il en poursuivant :
«Les débats ne doivent
porter que sur l'escroquerie organisée que je conteste», dit-il. «Il n'y
a pas de manœuvre frauduleuse.
La Scientologie n'avance
pas masquée. Elle a pignon sur rue.» Et
si cette grande arnaque généralisée existait vraiment, les victimes devraient, selon l'avocat, se compter par centaines au lieu de n'être que deux. Trois avec le Conseil
national de l'ordre des pharmaciens.
«Il peut y avoir
des dérives», admet encore l'avocat. De possibles
dérapages isolés qui ne doivent pas ternir la réputation du groupe. Or,
pour le parquet, il n'y a même pas l'ombre d'un seul acte répréhensible dans l'affaire, puisqu'il a rendu des réquisitions écrites de non-lieu.
Une
position que la défense saura habilement rappeler mais qui pourrait aussi évoluer à la lumière des débats.
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