Une
loi. Une (petite) révolution
le 22 mars 2010
Philippe Coste
Il reste
peut-être vingt minutes de débats avant le vote de la plus importante législation sociale américaine depuis la « Great Society » de Lyndon Johnson en 1965, et
on ne peut que se frotter les yeux en regardant les Républicains tourner le dos à l’histoire, s’exclure par tactique à court terme d’une des avancées les plus décisives de la
société américaine. Tout à l’heure, pas un, pas un, ne votera
avec le camps démocrate pour une
réforme qui somme toute, n’arrive pas à la cheville des systèmes de santé européens mais évite à plus de trente millions
de leurs concitoyens de
devoir recourir aux salles d’urgences pour accéder à un médecin.
Il n’y a pas l’ombre d’une option publique, d’une prise en charge directe par l’Etat dans ce
projet, où la seule redistribution prendra la forme de subventions à ceux qui sont incapables de s’offrir une assurance privé. Le principal
affront au statut quo, et il est de taille
dans ce pays, se limite à obliger les assureurs à couvrir des patients atteints de maladies préexistantes,
mais à entendre un Représentant
Républicain du Wisconsin, « cette
législation paternaliste et
condescendante, ce système à l’Européenne bafoue notre Déclaration
d’Indépendance et les idéaux
de liberté qui ont fondé cette grande
nation ». John Boehner, patron de la minorité à la Chambre, entame son discours le « cœur gros ». On s’étouffe.
A les entendre, les chars du totalitarisme dévalent déjà le Mall of America .
Nancy Pelosi, la présidente Démocrate de la Chambre vient de prendre la parole : « Imaginez un pays où l’on pourrait changer d’emploi sans perdre sa couverture sociale
! » lance t-elle. On imagine. Il
y a de quoi être fier. Enfin presque…
Obama devrait parler vers Minuit après le dernier chassé
croisé législatif. Il a gagné,
mais que dire du Congrès Démocrate? Qui aurait pu imaginer, il y a seulement un an, que la prise en charge de l’avortement deviendrait une pomme de discorde
au sein de la Majorité ? L’enjeu du vote était tel pour la Maison Blanche qu’il aura facilité le chantage par le Représentant Bart Stupak, l’un
des rares membres de son parti hostile à l’IVG. Aucune subvention fédérale ne
sera versé pour l’achat d’une assurance couvrant éventuellement l’avortement. Il demandait l’interdiction
pure et simple de toute prise
en charge.
Le vote a commencé à la Chambre. John Boehner a demandé, en
vain, que le vote ait lieu
par appel des Représentants,
chacun disant oui ou non à l’appel
de son nom. Les Républicains espéraient
ainsi obtenir des vidéos « compromettantes » de Démocrates votant pour la Réforme qu’ils pourraient exhiber lors de la campagne électorale de novembre prochain. Et si les partisans du non se trompaient lourdement sur l’état d’esprit
des électeurs, réputés, sans
doute à tort, hostiles à 53% à cette
« réforme socialiste »? 34 Démocrates, tout de même, ont voté
contre.