World Speech, American speech

 

le 5 juin 2009 7h51 | par

 

Philippe Coste*

 

L’édito duNew York Times d’aujourd’hui sur le discours du Caire résume parfaitement la perception américaine de l’évènement; son effet miroir plus que les espoirs que pourraient susciter son impact sur les cœurs et les esprits musulmans:

 

"When President Bush spoke in the months and years after Sept. 11, 2001, we often — chillingly — felt as if we didn’t recognize the United States. His vision was of a country racked with fear and bent on vengeance, one that imposed invidious choices on the world and on itself. When we listened to President Obama speak in Cairo on Thursday, we recognized the United States”

 

"Quand le Président Bush parlait dans les mois et les années qui ont suivi le 11 septembre, nous avions souvent le sentiment inquiètant de ne pas reconnaître les Etats-Unis. Sa vision était celle d’un pays miné par la peur et voué à la vengeance… qui imposait des choix blessants au monde et à lui même? En entendant le Président Obama parler au Caire ce jeudi, nous avons reconnu les Etats-Unis"

 

De Dearborn, dans le Michigan, à Fortworth, Texas, parmi les villes les plus arabes et pakistanaises d’Amérique, des milliers de Musulmans américains ont écouté, parfois à cinq heures du matin en raison du décalage horaire, leur président abattre en une heure de discours les doubles stéréotypes sur l’insularité américaine et la prétendue intolérance, la différence islamique.

 

Ses propos, sur le fonds, ne surprendront pas les érudits, mais il était bon que l’Amérique et ses citoyens musulmans, entendent pour la première fois leur président vanter l’influence de l’Islam sur la Renaissance européenne, parler de l’invention du compas et des mathématiques par les arabes, rappeler sa poésie, sa musique, son architecture et sa tolérance historique pour les autres religions.

 

Un copain prof en France m’avait raconté le visage ébahi, la fierté visible et émue de ses élèves beurs le jour il avait pris deux minutes pour leur parler des premiers savants et matheux arabes. J’ignore si la presse française s’en est préoccupé cette fois, mais leLos Angeles Times a envoyé une correspondante en banlieue parisienne pour juger de l’effet du discours. Même émotion, même fierté.

 

Sur le fond, les Républicains réagissent en vierges effarouchées, stigmatisant l’absence du mot "démocratie" (il est cité une fois je crois) dans le texte. C’est mal comprendre à quel point l’Irak a dévoyé le terme, associé depuis 2003 dans le monde musulman à un hypocrite prétexte à l’impérialisme. Cet obstacle déjoué, après un ferme rappel de l’alliance des Etats-Unis avec Israël, et une aussi ferme rebuffade aux implantations de colonies juives, Obama est revenu, simplement, sur le cœur du problème: un conflit Israélo-Palestinien, une solution à deux Etats que Bush avait longtemps refusé d’appréhender, préférant prendre le raccourci brutal d’une pacification de la région par l’exemple vertueux de son nouvel Irak.

 

Obama est plus réaliste, mais il a su donner de son pays une image que reconnaît au moins l’Amérique.

 

* Philippe Coste: en 1959, licencié en Droit et diplômé de Sciences Po Paris, j'ai vécu en Colombie, à Bogota, pendant deux ans avant d’entrer à L’Express en 1984, travaillant d’abord à la documentation de l’hebdomadaire, puis comme reporter au service économie. Nommé correspondant de L’Express aux Etats-Unis en 1991, je vis dans l’Upper West Side de Manhattan et écris autant sur la vie politique que sur la société, l’économie et la culture américaine.