Une pirouette contre
la guerre
Luis
Lema
L’incroyable pirouette accomplie
lundi par la diplomatie russe est une
très bonne nouvelle. Si elle aboutissait, la Syrie ne posséderait plus, à terme, la moindre arme chimique
L’incroyable pirouette accomplie
lundi par la diplomatie russe est une
très bonne nouvelle. Si elle aboutissait, la Syrie ne posséderait plus, à terme, la moindre arme chimique. Le monde ne s’en porterait que mieux, c’est
une évidence. Mais cette prouesse
est aussi un extraordinaire
aveu d’échec. Il faut, décidément, être bien proche
de la noyade pour s’accrocher
ainsi à une bouée de sauvetage trouée de partout et qui n’offre aucune garantie de mener, même approximativement,
à l’endroit où l’on prétendait se rendre à l’origine.
Cette initiative surprise est
sans doute moins improvisée qu’il n’y paraît. Un moyen pour les Russes et les Américains de se sortir d’une situation qui, pour tous, s’apparentait à un sacré guêpier, même si
c’est pour des raisons différentes.
Les
Etats-Unis s’extirpant d’un
aventureux usage de la force dont
ils ne voulaient pas; la Russie se dégageant d’un rôle de puissance obstructionniste,
amoral et risqué face au déploiement de missiles adverses; le reste de la planète soulagé du fardeau de devoir prendre
position… Ces calculs étatiques sont-ils suffisants pour gommer l’existence de 100 000 cadavres
en Syrie et de 2 millions de réfugiés?
Sont-ils de nature à prévenir
une extension de la guerre aux pays voisins et la prolifération des extrémismes? Même en restant dans le seul cadre de la guerre chimique
– et en faisant donc
abstraction de cette «autre»
guerre, celle qui continue de faire rage en Syrie – les résultats seraient bien maigres:
la menace d’une simple saisie
de son stock d’armes chimiques
dissuadera-t-elle, demain, un autre Etat d’utiliser ses propres gaz
mortels?
Certes:
la diplomatie va remplacer les missiles et l’ONU retrouvera le centre de la scène. C’est
clair: la Russie revient dans le jeu et le dialogue peut
(re)commencer. Le va-et-vient
d’éventuels inspecteurs sur le terrain, un calendrier
fixe que Damas sera tenu de respecter, de l’air dans l’abominable huis clos syrien…
Tout cela est peut-être de nature à modifier la dynamique
et, qui sait, à relancer d’éventuelles perspectives diplomatiques,
du type Genève 2.
Par
le passé, pourtant, la simple présence
de l’ONU n’a pas toujours été un gage de succès, en Syrie comme ailleurs. La distinction établie entre les armes chimiques et les autres, «convenables», est conforme au droit international.
Elle n’en demeure pas moins presque indécente
devant un conflit d’une telle intensité
et porteur de tels dangers futurs. Si elle devait se concrétiser, la
pirouette diplomatique serait
prodigieuse, mais elle resterait cela: une pirouette.