Les larmes de Hillary, le tournant émotionnel
Stéphane Bussard
Jeudi 10 janvier 2008
La soudaine
effusion émotionnelle de Hillary Clinton sera-t-elle un tournant dans la campagne présidentielle américaine? A quelques heures de la primaire démocrate du New Hampshire, la sénatrice de
New York a exprimé, sous
les feux des projecteurs,
son attachement à l'Amérique avec des trémolos dans la voix et des yeux au bord des larmes. Les médias du pays ont disséqué
ce moment fort de la bataille
pour l'investiture démocrate.
Jusqu'ici,
Hillary Clinton était perçue
comme une politicienne froide et calculatrice. Une attitude qui tranchait avec celles de Barack Obama ou de John Edwards, qui n'hésitent pas à s'épancher sur leurs malheurs familiaux. Hillary a rompu avec cette image de Dame de
fer version américaine, stoïque face à l'échec de sa réforme
du système de santé ou au scandale de l'affaire Lewinsky. Ce changement
radical de style, spontané ou
calculé, a joué un rôle dans la victoire
de la candidate, contredisant des sondages
très défavorables. Mais il n'explique
pas tout.
Fascinés par Obama, qui incarne le renouveau le plus fondamental par rapport à George
Bush, on avait écarté un peu vite les aspects liés au sexe et à la race. Selon la figure de proue du féminisme
aux Etats-Unis, Gloria Steinem, Hillary Clinton n'aurait jamais pu utiliser en public le style d'Obama, ou de son mari Bill, sans provoquer l'ire de l'establishment de
Washington. Une femme qui pleure en public, c'est un signe de faiblesse. Chez un homme, c'est un signe de courage. La dureté
de Hillary résulte peut-être
d'une soif maladive de pouvoir. Le voyant fuir
après la défaite de l'Iowa,
elle aurait craqué. Mais elle peut aussi résulter de la difficulté persistante, pour une politicienne, à prouver que
son émotivité n'est pas une échelle de mesure de son incompétence.
Son soutien à
la guerre en Irak serait, selon certains, une manière de prouver sa «masculinité».
Le drame, dans le duel
Clinton-Obama, c'est d'opposer le sexe à la race, deux facteurs handicapants pour accéder aux responsabilités. Le
vote massif des femmes du New Hampshire pour Hillary révèle une rébellion
féminine depuis le caucus
de l'Iowa, où seules 30% des femmes ont voté pour la sénatrice. Femme ou Noir? Pour les démocrates, le choix est cornélien.