Ebola: le luxe de l’indifférence

 

Colette Braeckman

 

Mis en ligne mardi 12 août 2014

 

Le témoignage du Docteur Peter Piot au sujet de la découverte du virus Ebola donne à réfléchir.

 

Au début, les malades, les cas désespérés, c’étaient les autres. Lointains, pauvres, ignorants, superstitieux. Le virus Ebola ne leur laissait aucune chance et durant quatre décennies, la mise en quarantaine fut considérée comme le seul remède. Qu’ils meurent donc, et qu’on n’en parle plus…

 

La recherche fut maigre et peu rentable, les résultats quasi nuls. Pourquoi se soucier de ceux qui vivaient dans les marges du monde, dans des régions abandonnées ou hantées par des guerres auxquelles on ne comprenait rien ?

 

L’exemple du sida aurait pourtant servir d’avertissement. Dans ce cas également, les premières victimes connues furent des ressortissants de Haïti, d’Afrique centrale et les communautés homosexuelles furent particulièrement touchées.

 

Ces victimes-là ne demeurèrent pas lointaines très longtemps : très vite, on découvrit que le sida menaçait tout le monde, que le fléau amenait à modifier les plus intimes de nos comportements et qu’il requérait une lutte globale, un engagement à l’échelle de la planète.

 

Par conséquent, des sommes colossales furent dégagées, les chercheurs réalisèrent des avancées importantes et le mal, s’il ne fut pas vaincu, fut au moins circonscrit.

Comment ne pas comprendre que dans notre monde globalisé, les victimes d’Ebola, ou d’autres maladies encore trop peu combattues, ce sont nos voisins ? Des voisins qui arrivent par route ou par avion, près desquels nous passons d’inconscientes vacances ?

 

Aujourd’hui, plus rien, plus personne n’est loin, et au cœur des foyers de tension dont nous détournons les yeux grossissent des bombes à retardement. Des bombes sanitaires, épidémiologiques, certes. Des bombes politiques aussi, lorsque des jeunes de chez nous s’en vont combattre pour des causes auxquelles nous refusons de nous intéresser ou de tenter de porter remède.

 

De nos jours, ne traiter que par l’indifférence ou l’ignorance les banlieues les plus brûlantes du monde les cataclysmes s’additionnent ne représente pas seulement une faute morale et une erreur politique. C’est aussi un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre.