Par
Jean-Marc Vittori
En abaissant
pour la première fois depuis
soixante-dix ans la note de
la dette publique des Etats-Unis, l'agence Standard
& Poor's bouleverse la finance mondiale. Et, au-delà,
l'économie et même la politique. La finance mondiale
est bâtie sur une idée simple
: la dette des Etats-Unis
est sûre à 100 %. Tous les produits financiers se définissent
par des écarts de taux d'intérêt et donc de risque par rapport aux obligations fédérales
américaines. Bien sûr,
la notation n'est pas une
parole d'évangile. Ce n'est qu'un avis parmi d'autres. Mais elle proclame une
évidence : l'Amérique ne peut pas continuer sur cette lancée,
avec un déficit public maximal (plus de 10 % du PIB cette année
pour la troisième fois de
suite) et une croissance minimale (moins de 1 % en rythme annuel sur
la première moitié de 2011). Pour
la première fois depuis
plus de deux siècles, elle risque de ne plus pouvoir rembourser sa dette.
Avec l'annonce de Standard &
Poor's, banquiers, assureurs
et investisseurs du monde entier
ne peuvent plus fermer les yeux sur cette réalité
dérangeante. Ils vont
devoir réviser toute leur politique d'allocation du capital, un mouvement
qui va faire valser des milliers de milliards de dollars au cours
des semaines et des mois à venir - les Chinois ont déjà exprimé leur fureur. Les régulateurs vont,
eux aussi, devoir reprendre tous leurs calculs. L'argent va fatalement devenir
plus cher. Même si, dans un premier temps, nombre d'investisseurs auront le réflexe paradoxal d'acheter de la dette publique américaine pour se protéger des
turbulences du marché, ce
qui pourrait contenir les taux d'intérêt américains dans un premier temps
et donc rassurer les myopes.
Mais la finance n'est pas la seule à être secouée.
Car c'est la dette publique qui est en cause et donc la politique. La démocratie représentative dans laquelle nous vivons
est née il y a trois siècles autour
d'une idée elle aussi simple : pour éviter une spirale
de la dette qui mène à la faillite, les comptes publics doivent être contrôlés
par des représentants du peuple
et non laissés au bon plaisir
du roi. Aujourd'hui, cette mission fondatrice n'est plus menée à bien aux Etats-Unis, qui furent pourtant longtemps considérés comme le modèle de cette démocratie représentative. Et, dans notre vieille Europe, le doute monte aussi
sur la capacité des Etats à assumer leurs engagements
financiers, comme on l'a vu
la semaine dernière sur les marchés. Les dirigeants politiques multiplient les propos rassurants,
mais ils perdent leur crédibilité
au fur et à mesure que la dette publique grandit. Pour ramener la confiance, il faut
des actes plus que des
paroles. Il en va non seulement
de la santé des marchés financiers, mais aussi de l'avenir
de la démocratie.