Sonatrach-Anadarco: qui est responsable du préjudice ?

 

par Kharroubi Habib

 

 4,4 milliards de dollars est le pactole que la compagnie pétrolière américaine Anadarco va empocher de la part de Sonatrach en compensation de son renoncement à l'arbitrage d'un tribunal international sur le litige qui les oppose depuis 2006.

 

Aux profanes que sont les Algériens dans leur majorité question litiges de cette sorte, les dirigeants de Sonatrach se sont contentés d'affirmer que l'arrangement préserve au mieux l'intérêt national. Des voix d'experts versés dans le domaine se sont élevées pourtant pour dénoncer l'accommodement entre les deux entreprises pétrolières comme étant «une arnaque à grande échelle, «et soutenir que même si Sonatrach accepte l'arbitrage international, elle ne sera jamais contrainte de payer des dommages et intérêts dépassant le 1,5 milliard de dollars». La controverse ainsi ouverte n'est pas près de s'éteindre.

 

Les profanes que nous sommes se posent une seule question : celle du pourquoi Sonatrach s'est retrouvée dans la situation de subir un préjudice financier énorme, soit en allant au bout de la procédure d'arbitrage international, soit en payant une compensation pour y mettre un terme. Ce dont nous sommes convaincus, c'est que cette affaire résulte de décisions prises dont les conséquences n'ont pas été cernées par leurs promoteurs. A l'époque elles ont été décrétées, ils les ont justifiées par le sacro-saint alibi de la souveraineté nationale et du droit de même nature pour l'Algérie d'imposer les règles du jeu en matière de taxation des bénéfices réalisés par les sociétés pétrolières étrangères sur l'exploitation de ses ressources pétrolières.

 

Il semble que les autorités aient privilégié l'accommodement bilatéral entre Sonatrach et Anadarco pour ne pas avoir à être désavouées sur leurs décisions par un tribunal international, ce qui les contraindrait à réviser purement et simplement les dispositions ayant provoqué le litige.

 

L'Algérie va donc débourser 4,4 milliards de dollars à Anadarco. Mais sera-t-il demandé des comptes à ceux dont les décisions ont été à l'origine de ce faramineux débours ? Pour bien moins que la somme en question dans l'affaire Sonatrach-Anadarco, des gestionnaires d'entreprises publiques d'autres secteurs ont été traînés devant les tribunaux et condamnés pour les préjudices qu'ils sont censés avoir occasionné au pays. Ceux qui sont incriminés dans celui subi par Sonatrach vont-ils avoir affaire avec la justice ? Il ne le semble pas, car cela pourrait donner lieu à un déballage qui éclabousserait au-delà de la sphère des cadres dirigeants de Sonatrach en exercice à la genèse du litige avec Anadarco.

 

4,4 milliards de dollars vont être octroyés à la compagnie pétrolière américaine et inscrits à la case pertes et profits pour Sonatrach. Et tout sera fait pour étouffer l'exigence d'une reddition de comptes. Car, dans cette affaire, la chaîne de la responsabilité remonte au plus haut niveau de l'Etat. Rien en effet ne se décide à Sonatrach, pourvoyeuse de l'essentiel des ressources financières du pays, sans l'accord, voire l'injonction des plus hautes sphères du pouvoir.

 

Ainsi le veut la gouvernance opaque par laquelle sont gérées les affaires nationales et l'intouchabilité dont bénéficient ceux qui la pratiquent.