De Guantanamo à Supermax

 

par K. Selim

 

Barack Obama est un excellent communicateur, on le découvre à chacune de ses interventions. Pourtant, son talent n'est d'aucun secours quand il essaie de donner une autre image au maintien de la « pagaille » de son prédécesseur, George W. Bush. Le nouveau président américain, pour rester fidèle à son engagement de campagne, a annoncé que le sinistre camp de Guantanamo sera fermé avant la fin de l'année. A juste titre, le président américain a déclaré que ce camp de détention, hors droit, nuit à l'image des Etats-Unis et à sa démocratie.

 

Tout le monde applaudirait à cette mesure de salubrité si elle n'était pas assortie d'annonces qui la vident de sa substance. Car, ainsi que le craignaient les organisations de droits de l'homme, Guantanamo, avec son esprit même fait de transgression durable du droit, ne sera pas fermé mais transféré aux Etats-Unis. C'est un tour de passe-passe puisque, parmi les différentes catégories de pensionnaires forcés de Guantanamo, Barack Obama a cité ceux qui ne peuvent être ni jugés ni libérés. En d'autres termes, le président Obama admet que des personnes vont continuer à être détenues sans jugement et pour une durée illimitée. Non pour ce qu'ils ont fait, l'administration américaine ne disposant pas de preuves de leur implication dans des activités, mais au nom de leur dangerosité potentielle pour les Etats-Unis.

 

Dans un pays qui s'enorgueillit de fonctionner sur le droit, cela relève de l'hérésie juridique. L'équipe de Bush, avec des dégâts incommensurables dans le monde et pour les Etats-Unis, a assumé cette sortie du droit. M. Barack Obama ferme le camp de Guantanamo sans revenir à la norme du droit. Etre détenu indéfiniment, sans jugement et sur la base d'une simple présomption de constituer une menace établie par des appareils sécuritaires, ne comporte aucune différence, que l'on soit à Guantanamo ou dans une prison de haute sécurité, Supermax, aux Etats-Unis. Le président américain qui est un excellent juriste le sait.

 

Depuis que l'administration Bush a mis en place ce lieu de détention offshore, hors de portée du droit américain, Guantanamo est moins un lieu que le symbole d'une grave dérive. Force est de constater qu'en maintenant la détention illimitée sans jugement, le juriste Obama n'y met pas fin. Il n'y met pas fin non plus en rétablissant les tribunaux militaires en les « améliorant ».

 

Dans cette affaire, comme dans d'autres, on découvre que l'Obama au pouvoir est plus proche des desiderata du système que de ses engagements pour le changement. Dans sa « solution » pour Guantanamo, il réussit le tour de force de déplaire aussi bien aux partisans décomplexés de la torture et de l'internement arbitraire des « ennemis » qu'aux organisations des droits de l'homme. Ces dernières sont, bien entendu, plus fondées que les va-t-en-guerre à la Cheney de déclarer qu'il vient de rompre avec les principes qu'il a défendus. Après Guantanamo, Supermax ne sera en effet pas un progrès...