Fables
Par K. Selim
Les responsables arabes «attendent» l'adresse de Barack
Obama au monde islamique qu'il
doit faire le 4 juin
prochain chez «l'allié» égyptien. Ils
entendront sûrement des
paroles apaisantes du genre: les Etats-Unis
ne sont pas en guerre contre
l'Islam et ne veulent que le bien des peuples de la région. On l'entendra sûrement réitérer l'option des deux Etats et
il incitera, plus fortement, les pays arabes et musulmans à normaliser les
relations avec Israël.
Ce qu'énoncera le président des Etats-Unis est prévisible.
Mais même si l'on décide
de faire du crédit au souriant
Obama, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il change dans la politique de soutien aveugle à Israël. Le Premier ministre
israélien, Netanyahu, arrive aujourd'hui
au Caire. S'il a consenti, pour ne pas froisser l'Egypte, à ne pas ramener avec lui son ministre des Affaires étrangères, Lieberman, il a fait
beaucoup mieux : il a annoncé
de la manière la plus claire
qu'Israël ne se retirera
pas du plateau du Golan. Toujours à la veille de la visite de Netanyahu
chez le raïs, une organisation sioniste a annoncé un vaste
projet de judaïsation de Jérusalem-Est, avec à la clé des démolitions de maisons palestiniennes.
Le 4 juin
donc, le président Obama parlera de paix et les responsables arabes feront mine d'oublier que les Etats-Unis continueront à soutenir un Etat israélien qui la refuse et qui ne veut
que la guerre. On suivra
avec attention ce que diront les dirigeants égyptiens, ces grands «modérés»
devant l'éternelle
arrogance israélienne, au sujet
des annonces de Netanyahu. Mais
il ne faut
pas s'attendre à des étincelles,
l'Egypte étant durablement circonscrite par son
alliance avec les Etats-Unis. Elle continuera à discourir sur la menace du Hezbollah, de l'Iran et du fantomatique arc chiite. Un minimum d'autonomie aurait conduit les responsables arabes à condamner les annonces israéliennes et à mettre le «parrain» américain devant ses responsabilités.
Sans attendre le discours de Barack Obama, le 4 juin
prochain.
Mais, on nous le rabâche trop pour l'oublier, les Etats arabes ont
fait le «choix stratégique»
de la paix. Tant pis si Israël
a constamment fait le choix
stratégique de la guerre, de l'occupation
et de l'épuration des Palestiniens.
Nos responsables écouteront donc religieusement Barack Obama lors
de son voyage d'Egypte. Ils l'écouteront, non pour vérifier si les Etats-Unis ont décidé d'avoir un engagement sérieux sur le dossier du Proche-Orient, mais pour s'assurer qu'il ne va pas intempestivement discourir sur la démocratie. «Tout ce
qui s'est passé jusqu'à présent n'est pas pertinent», a déclaré le chef du gouvernement israélien. Tout ce qui s'est passé, ce n'est pas grand-chose : une feuille de route, Annapolis,
les discussions avec la Syrie via la médiation turque. Voilà qui est
dit clairement.
Mais apparemment, nos responsables préfèrent écouter les fables racontées par un Tony Blair émissaire du Quartet. Resté opportunément silencieux pendant
le carnage de Ghaza, Blair, qui préparerait
un nouveau plan du Quartet - tiens donc ! - où il serait
question de la meilleure manière
de stopper le programme nucléaire
iranien, du renforcement
des Etats arabes «modérés», avec une occultation de
la question du Golan et de quelques énoncés vagues sur les Palestiniens.
Il ne viendra
pas à l'idée de nos Etats arabes de dire également que tout ce qui s'est passé jusqu'à présent n'est pas pertinent et notamment
un «plan de paix arabe» que nul ne prend
au sérieux. Non, ce serait aller vers
la conclusion logique : ceux qui prônent
la résistance n'ont pas tort. Mais
au lieu de le dire à l'aimable Obama, les responsables si modérés du monde arabe préféreront écouter ses fables.