Bavures

 

par K. Selim

 

Au moment Barack Obama réunissait les présidents Hamid Karzaï d'Afghanistan et Asif Ali Zardari du Pakistan pour coordonner la guerre contre les talibans des deux pays, un raid américain, présenté comme une «bavure», faisait au moins une centaine de morts parmi les civils, dans l'ouest de l'Afghanistan. Les habitants des villages bombardés ont dressé une liste de 147 personnes tuées dans deux villages.

 

Ce genre d'opération, avec des bilans de morts civils de plus en plus lourds, se répète trop régulièrement et fait désormais partie de la routine des opérations de l'armée américaine. Parler de «bavure» ou de «dommage collatéral», c'est tout simplement décider de faire peu cas des vies humaines afghanes et surtout utiliser un lexique qui déresponsabilise les militaires occidentaux. Rien qu'en 2008, le nombre des civils tués a dépassé les 2.000. Le «dommage collatéral» est pour le moins tout simplement massif. Même Hamid Karzaï, homme lige des Américains, se plaint du peu de cas que l'on semble faire de la population civile.

 

La rencontre politique à Washington s'est déroulée pratiquement au même moment que la bavure, offrant une synthèse du sanglant imbroglio qui se déroule dans la région. Les talibans afghans qui mènent la guérilla contre les forces étrangères n'ont pas hésité à réclamer une enquête de la Cour pénale internationale sur les bombardements de la province de Farah. Ce n'est guère un secret, plus les civils tombent et plus les talibans se renforcent.

 

Barack Obama, qui cherche à s'extirper d'Irak, a choisi d'assumer la guerre en Afghanistan et a décidé d'y envoyer davantage de troupes. Son but proclamé est de « déranger, démanteler et défaire Al-Qaïda au Pakistan et en Afghanistan et les empêcher durablement de revenir dans les deux pays...». Le problème est que le résultat n'est guère certain dans une région Al-Qaïda n'est pas l'unique ni le principal acteur. Et surtout, l'action des troupes occidentales a tendance à être aussi inefficace que contre-productive. Engagés dans une guerre asymétrique, ces armées régulières choisissent de ne pas faire de distinction entre la guérilla et les civils qui les abritent volontairement ou non. Tous les facteurs de l'«embourbement» sont réunis.

 

Si l'Irak n'est pas la guerre d'Obama, l'Afghanistan - et par extension le Pakistan - va être le théâtre de la guerre d'Obama. Et les militaires qui bombardent indistinctement ne vont pas la lui faire gagner. La logique dans ce type de conflit est qu'il est sans fin. Les talibans ne prendront sans doute pas Kaboul, mais ils resteront présents partout, tandis que le corps expéditionnaire, en augmentant, accroît le ressentiment des populations. Ni Karzaï ni d'ailleurs le Pakistanais Asif Zardari, qui passe allègrement d'un arrangement avec ses talibans à un état de guerre avec eux, ne constituent des remparts sérieux. Certains le disent en Occident : la présence des troupes étrangères en Afghanistan est une partie du problème, elle n'est pas la solution. Comme dans toutes les tragédies, cette idée ne finira par s'imposer qu'après que les populations en auront payé le prix du sang.