Le rêve et le réel

par K. Selim

Barack Obama a été élu de manière éclatante mais il ne prendra ses fonctions qu'en janvier 2009. L'obamania qui déferle sur le monde a encore quelques semaines devant elle. Et sans nul doute, elle ne fera que s'accentuer. Les voix réservées, voire prudentes, n'ont guère de place devant un engouement rendu planétaire par les médias et Internet.

C'est qu'en attendant l'exercice effectif du pouvoir, ce sont surtout les symboles qui prennent le dessus. Et dans cette élection, il y a une sorte de surcharge en terme de symboles. Un Noir président, alors que le racisme était encore légal dans certains Etats américains dans les années soixante! Quelle avancée ! La longue lutte de Martin Luther King pour les droits civiques aurait-elle trouvé son aboutissement ?

S'il faut prendre acte du progrès indéniable qu'une telle élection représente, il ne faut pas oublier que les Noirs, qui ne sont que 15% de la population, n'en représentent pas moins de 40% de la population carcérale. La société post-raciale, célébrée avec enthousiasme par certains éditorialistes, attend d'être concrétisée dans le réel. Rien n'est moins facile.

Il n'en reste pas moins qu'un vrai tabou est tombé avec cette élection. La société américaine et une grande partie de l'establishment y étaient prêtes après les avanies qui ont été infligées aux Etats-Unis par des néoconservateurs militaristes et idéologues. Les Américains devaient choisir entre un progrès possible et un immobilisme certain, ils ont choisi d'avancer. Ils ont préféré le jeune au vieux, l'espoir d'un changement plutôt que du Bush sans Bush. Pour l'establishment américain, Barack Obama offre une formidable opportunité de relooker l'image très ternie des Etats-Unis. Vu de nos contrées arabes et africaines, Barack Obama est le moins mauvais choix par rapport à son adversaire.

Mais cela devrait s'arrêter et conduire à observer les choses avec prudence. Et attendre que l'euphorie passe et que vienne le temps des actions. Les lignes de force du système américain s'imposeront de toute évidence et le mieux que l'on puisse espérer est que Barack Obama tiendra compte des échecs de son désastreux prédécesseur.

On prête au nouveau président américain l'intention de prononcer, dans les premiers mois de sa présidence, une adresse au monde islamique pour écarter toute idée de clash des civilisations. L'intention est bonne, mais les discours resteront creux tant que le lobby israélien continuera à dicter la politique étrangère américaine en direction du monde arabe. Il est difficile d'oublier le discours ultra de Barack Obama devant l'AIPAC, il est allé pratiquement faire acte d'allégeance le jour même de son investiture par le parti démocrate. Dans cet acte d'allégeance, on pouvait prendre la mesure du poids d'un système les lobbys sionistes sont très puissants. Autant de raisons de ne pas sombrer dans l'obamania.