Peine de mort : des Etats unis par la vengeance
Par Sandrine Ageorges-Skinner
Ens. contre la peine de mort
LE PLUS. Sandrine
Ageorges-Skinner est militante
Des parcours
volontairement ignorés des coupables qui, dans le monde libre, ont déambulé
sans repère, bringuebalés
de violence en abandon, submergés de maladies mentales transmises de génération en génération, métastasés par des relents de drogues et d’alcool; aux parcours des
innocents qui, derrière les barreaux, sont broyés par un étau kafkaïen, bâillonnés par la force injuste
de la loi souveraine au
pays des hommes "libres",
voici les deux facettes de la justice pour des femmes et des hommes que la société
américaine considère comme des déchets, des moins que rien,
dont elle se débarrasse à tout prix et sans le moindre
état d’âme.
Les deux
facettes de la justice
Les premiers n’intéressent personne et, de fait, sont traités pire que
des animaux sauvages à qui l’on accorde plus de protection
et de respect. Jusqu’à leur
dernier souffle, leur droit à la vie aura été nié et bafoué
dans une indifférence générale et ils s’éteindront dans le labyrinthe infernal d’un
abandon total. Les seconds, pour certains, feront la une des journaux quand la face cachée de leurs histoires surréalistes aura enfin suscité la curiosité d’un journaliste ou que leurs
avocats se seront battus plus que ce pour quoi ils avaient été payés,
mais pour beaucoup la vérité
de leur cauchemar ne verra jamais
le jour et ils mourront, désespérément seuls, avec la rage
au ventre, celle de n’avoir jamais été écoutés, entendus
ou simplement considérés par leurs semblables.
Au pays des boulimies en tout genre, où la surconsommation est
le standard d’un bonheur illusoire,
la justice ne s’affaire pas
à chercher les vrais coupables. Elle les trouve au
plus près et les fabrique de toutes pièces quand le résultat se fait trop attendre. Si la justice s’achète, c’est parce que
ce qui compte
par-dessus tout dans cette sanglante compétition, ce sont les voix des électeurs. Des procureurs aux juges d’état et aux shérifs, une seule motivation
: la victoire électorale,
au détriment de tout le reste,
y compris de la vérité dont personne ne
se soucie, pas même la
population.
Quid de ces
gouverneurs, quelle que soit leur
couleur politique, qui endossent lâchement, quand ils ne
l’encouragent pas, cette gabegie de plusieurs centaines de millions de dollars chaque
année pour tuer afin de prouver qu’il ne faut
pas tuer, quand dans le même temps aux Etats-Unis près de 40 millions d’enfants ne mangent
pas à leur faim, là où un enfant sur vingt-huit a au moins un de ses parents derrière
les barreaux, quand une grande partie
de sa population n’a pas accès aux soins médicaux et que le niveau d’éducation dans les états du sud s’apparente à celui des pays du tiers-monde ?
Dans ce
pays qui se rêve en modèle
de démocratie et de droits
de l’homme, la justice n’a jamais été aussi
vaine. Une justice qui reproduit à l'infini le cycle d’une violence endémique et qui en est fière.
Une
violence qu’elle dit exécrer mais qu’elle
entretient avec une
fascination inquiétante. La jeunesse de cette nation pourrait excuser quelque peu de telles dérives
médiévales et barbares, pourtant à l’aube de ce XXIe
siècle, il n’est désormais plus possible de lui
accorder le bénéfice du doute.
Instrumentalisation des politiques
De l’Iran
qui utilise la peine capitale comme l’outil absolu de la terreur aux Etats-Unis qui l’instrumentalise à des fins politiques,
il y a si
peu de différence; seuls les mensonges varient mais le résultat est identique.
Que dire à celles et ceux qui ont tant
travaillé pour que traités et conventions internationaux
soient signés et ratifiés et de ce silence
strident qui amoindrit et ridiculise
la force des principes fondamentaux
lorsqu’ils sont bafoués alors qu’ils
devraient indiscutablement régir le monde civilisé ?
Le vrai visage de la peine de mort n’est pas difficile à reconnaître car c’est celui de chacun d’entre nous. En une éternité
ou en une seconde, chacun peut choisir de confronter ses démons, de les apprivoiser pour les dépasser et s’élever afin d’apporter
une contribution positive à l’humanité,
ou chacun peut choisir de se laisser anesthésier par la peur, celle qui rabaisse l’humain à ses instincts les plus primaires
et les plus laids.
Si à une époque de nombreux gouvernements choisirent de se donner les moyens de porter haut et fort la voix
des droits de l’homme en reléguant l’apartheid au chapitre d’un passé honteux, pourquoi alors ne pas appliquer ce même principe
pour éliminer le génocide
social qu’est la peine de
mort partout dans le monde ?
Pas de demi-mesure
possible
L’opposition à la peine de mort ne souffre aucune
demi-mesure, il
n’existe aucun être humain sur
cette terre qui mérite ce châtiment
et aucun être humain ne doit
avoir entre ses mains le pouvoir de vie ou de mort sur l’un de ses semblables.
Dans nos sociétés
où il
est de bon ton de nous
encourager à croire ou à espérer que la vie est un risque zéro,
force est de constater qu’il n’existe pas d’individus fondamentalement bons ou fondamentalement
mauvais. Le pouvoir de la
violence et de l’acte irréversible est en chacun d’entre nous. A notre espèce
donc de s’accepter avec les
risques de ses
fragilités, de ses faiblesses et de ses souffrances qui font partie de ses attributions et avec le respect qui est
dû à tout un chacun.
Il n’y a plus aucun doute sur
le fait que la lâcheté politique et l’indifférence tuent en toute impunité, et dans le vide sidéral de l’hypocrisie
collective, la passivité et l’ignorance
font de nous tous les pires bourreaux des temps modernes.
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