L'Amérique d'Obama: son double rendez-vous manqué avec l'Histoire

 

22.09.2011

 

Que jamais plus, tant qu’elle n’aura pas aboli l’odieuse et ancestrale peine de mort, l’Amérique ne prétende donner des leçons de démocratie, et surtout pas au nom des droits de l’homme, au reste du monde !

 

Car cette Amérique, en exécutant froidement Troy Davis cette nuit, vient de prouver à la terre entière qu’elle n’avait que mépris et indifférence pour ces millions d’hommes et de femmes qui réclamaient, à cor et à cri, une justice une peu plus humaine et compassionnelle, tout simplement plus « juste », envers un innocent.

 

Oui : c’est une tache indélébile désormais, aux yeux effarés des vrais démocrates, sur cette Amérique qui, loin d’être cette grande nation moderne qu’elle se vante d’être, ne vaut guère mieux, en la circonstance, que ces pays ayant recours, en matière de justice, aux méthodes les plus barbares et moyenâgeuses, telles la lapidation ou la pendaison, pratiques communément appliquées sévit, de sinistre mémoire, l’obscurantiste « charia ».

 

Davantage : il vaut apparemment mieux se voir condamné à mort en Iran, l’on peut encore sauver sa peau, comme Sakineh, lorsque l’opinion publique internationale implore la clémence des autorités politico-religieuses, qu’aux Etats-Unis, nul ne peut venir à votre secours, comme pour Troy, lorsque cette même opinion publique internationale implore une même clémence aux autorités politico-judiciaires.

 

Paradoxe consternant : les ayatollahs et autres enturbannés de Téhéran, pour intégristes qu’ils soient, se sont avérés moins fanatiques, au bout de ce sordide compte, que les juges en costume et cravate de Géorgie !

 

Quant à Barack Obama, n’en parlons pas : son fracassant silence, sur cette douloureuse affaire Davis, est indigne, par-delà son manque de courage politique et de clairvoyance intellectuelle, de ce prix Nobel de la paix que le comité d’Oslo lui a, sur l’unique et très mince base de ses beaux mais seuls discours théoriques, un peu trop vite accordé.

 

Ainsi est-ce bien plus qu’une simple tache sur la justice américaine que cet assassinat de Troy Davis révèle en négatif : c’est l’institution du Nobel de la paix elle-même, son sens profond et sa portée philosophique, qui, à travers cette lâcheté de Barack Obama, dont les véritables préoccupations sont manifestement plus électoralistes qu’humanistes, se voit éclaboussée .

 

J’exagère ? Que l’on considère alors cette encore plus incompréhensible déclaration de ce même prix Nobel de la paix, Barack Obama toujours, lorsqu’il adresse au Président de l’Autorité Palestinienne, comme il vient encore de le faire en ce funeste 21 septembre 2011, une fin de non-recevoir, et même la menace de brandir un implacable veto, quant à sa volonté de voir son pays enfin reconnu officiellement par les Nations-Unies.

 

Oui : l’Amérique d’Obama a manqué , en s’obstinant à ne pas gracier Troy Davis, d’une part, et en se refusant à reconnaître l’Etat de Palestine, d’autre part, un double rendez-vous avec l’Histoire !

 

Daniel Salvatore Schiffer*

 

*Philosophe, écrivain, auteur de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas » (PUF) et « Critique de la déraison pure » (Bourin Editeur).