Sur le nucléaire iranien, l’accord vaut mieux que
le statu quo
03.04.2015
Editorial du « Monde ». Le document « d’étape » conclu, jeudi 2 avril à Lausanne, en Suisse, marque une percée historique dans le dossier du nucléaire iranien. A condition qu’il débouche sur un accord « final » d’ici au 30 juin, ce qui n’est pas garanti. Pour la première fois depuis douze ans, date des premiers pourparlers avec Téhéran, le cadre précis d’un règlement destiné à empêcher l’Iran de se doter d’une arme nucléaire a été défini. C’est un succès dans la lutte contre la prolifération.
Les esprits chagrins devraient s’interroger sur les autres options possibles. Elles sont toutes catastrophiques. Le régime des sanctions, sans cesse alourdies, auquel l’Iran est soumis ne l’a pas empêché de poursuivre un programme qui représente une violation flagrante de ses engagements en tant que pays signataire du traité de non-prolifération (TNP). Le fardeau des sanctions a sans doute conduit Téhéran à la table des négociations, mais ne l’a aucunement dissuadé d’accroître ses capacités en matière d’enrichissement de l’uranium – le chemin vers l’arme atomique.
Dans cette affaire, il ne peut y avoir de statu quo. Attendre, c’est prendre le risque d’une République islamique chaque jour plus à même d’enrichir de la matière fissile à des fins militaires.
L’autre option, c’est la guerre, des raids de bombardements sur les installations iraniennes, avec le risque d’une riposte de la République islamique dans le Golfe, donc le risque d’ajouter un conflit dans une région déjà à feu et à sang. Sans compter que ni la guerre ni le statu quo ne garantiraient que l’Iran ne finisse par se doter de la bombe. Au contraire.
Un possible facteur de stabilisation au Moyen-Orient
Le président Barack Obama a eu raison de relancer la négociation, avec l’appui des autres membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – Chine, France, Grande-Bretagne, Russie – et celui de l’Allemagne. Au prix d’une concession majeure faite à Téhéran, auquel est concédé le droit d’enrichir de l’uranium à faible teneur sur son territoire, ils sont arrivés à leurs fins : placer le programme iranien sous des contraintes telles que la communauté internationale disposerait d’un délai d’un an pour détecter une violation de l’accord et réagir.
Finalisé en juin, le document de Lausanne sera, au minimum, un accord de non-prolifération salutaire dans un grand Moyen-Orient qui compte déjà au moins deux puissances nucléaires non membres du TNP (Israël et Pakistan) et n’a assurément pas besoin d’une troisième. M. Obama est plus ambitieux. Il voit dans l’accord l’esquisse possible d’une normalisation des relations entre les Etats-Unis et l’Iran, gelées depuis trente-cinq ans, laquelle conduirait à une plus grande ouverture de la République islamique sur l’Occident, donc à sa modération. Pareille évolution serait un vrai facteur de stabilisation au Moyen-Orient.
On n’en est pas là, tant s’en faut. Une étrange coalition s’est constituée – l’Arabie saoudite, chef de file du monde arabe sunnite, Israël et la majorité républicaine au Congrès américain – pour dénoncer un accord qui, selon elle, va renforcer la République islamique et la rendre encore plus expansionniste. Ils ont « diabolisé » l’Iran, dont ils font la menace stratégique numéro un dans la région, loin devant les djihadistes de l’Etat islamique. M. Obama aura besoin d’autant de ténacité pour les rassurer qu’il en a manifesté pour arriver au document de Lausanne. Il est important qu’il réussisse la deuxième manche politico-diplomatique qui s’engage.