Faut-il démanteler Google?

 

On n’accusera pas Google, en l’espèce, de manquer au devoir de neutralité que s’est fixé le moteur de recherche. Si vous tapez, dans Google, la question : « Faut-il démanteler Google », vous obtenez pas moins de 374 000 réponses ; à peu près tout le spectre des opinions possibles, des Googlephobes les plus acharnés aux inconditionnels de la firme de Mountain View (Californie). C’est sympathique, fair play, tout ce qu’on voudra, mais ça ne règle pas les problèmes que pose le moteur de recherche. Et il y en a.

 

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Les parlementaires européens ont eu raison, jeudi 27 novembre, de s’alarmer, une fois de plus, des risques de concentration sur le marché du numérique. Dans un texte purement incitatif, massivement voté, ils visent Google sans le nommer. Avec 90 % des recherches sur Internet au sein de l’Union européenne, Google est en situation de non-concurrence. Ce n’est pas forcément de sa faute s’il dispose d’un pareil boulevard en Europe : sa part de marché aux Etats-Unis est moindre, de l’ordre de 70 %.

 

En revanche, comme le notent les élus européens, ce quasi-monopole de fait sur les recherches en ligne au sein de l’Union européenne permet à Google de promouvoir ses propres services – YouTube, Google Maps, etc. – et d’user ainsi de sa position dominante. est la menace pour la concurrence. C’est bien ainsi que l’entendent le groupe d’éditeurs, de comparateurs de prix et de voyagistes européens, de même que l’américain Microsoft, qui intentent une action contre Google auprès des instances européennes.

 

Protection des données privées

L’enquête de la Commission avance à pas de tortue, elle est déjà vieille de quatre ans. Elle a accouché de quelques propositions, jugées insatisfaisantes par les plaignants : mise en place par Google d’éléments permettant de distinguer, dans les résultats de recherche sur son moteur, ce qui relève de ses services, notamment. Faut-il aller jusqu’au démantèlement que préconisent certains ? Dans l’attente des résultats de l’enquête, on se gardera de céder ainsi, à la va-vite, à l’emploi de la bombe atomiquemême si les dirigeants de Google eux-mêmes ne cachent pas que la taille de la firme commence à être problématique.

 

En revanche, il faut être plus radical sur la deuxième grande question que pose Google. Elle touche à nos libertés et à la protection des données privées collectées par le groupe. Autant on soupçonne, chez les Européens, un arrière-goût de jalousie dans les batailles menées à Bruxelles contre les géants du Net américainsque n’avons-nous des firmes de cette qualité ! Autant, au chapitre les libertés, il faut être intransigeant.

 

Cette semaine encore, les instances européennes compétentes ont dénoncé le non-respect, par Google, ou le respect incomplet, du « droit à l’oubli numérique » qui est la norme en Europe, aux termes d’un jugement de la Cour de justice de l’UE. Celui-ci permet aux Européens de réclamer la suppression de résultats de recherche les concernant. Google interpréterait cette jurisprudence de manière restrictive, selon le groupement des organes de protection des libertés informatiques européens.

 

Cette bataille-là est la plus importante, elle touche à la culture, à l’identité, aux valeurs de l’Europe. Il faut lui donner la priorité parce que la menace est réelle. Et sanctionner Google si nécessaire.