Syrie : l’UMP divisée sur la nécessité d’un vote au Parlement
François
Hollande peut-il engager une
action armée de la France en Syrie
sans un vote de la représentation nationale
? La question fait débat à l'UMP.
Les responsables du principal parti
d'opposition sont divisés sur la nécessité d'un vote du Parlement,
même si la Constitution n'oblige pas le président à organiser une telle
consultation.
Partisan
d'une intervention militaire,
l'ex-ministre des affaires étrangères,
Alain Juppé, est favorable
à un vote des députés et sénateurs.
« Ce serait la première fois, par rapport à ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire, en Libye
ou au Mali, que la France interviendrait sans un feu vert des Nations unies. C'est donc une
sorte de rupture avec la ligne
diplomatique qui est la nôtre traditionnellement et je pense que ceci
justifierait un vote au Parlement
», a déclaré le maire de
Bordeaux, lundi 2 septembre,
dans un discours devant les Amis de Nicolas Sarkozy
réunis à Arcachon
(Gironde).
D'autres voix se sont élevées dans
les rangs de l'opposition
pour exhorter M. Hollande à organiser un vote. « La
France ne peut pas partir
en guerre sans le soutien clair
du Parlement », a averti l'ex-premier ministre, François Fillon, dans le JDD. Le chef de file des députés
UMP, Christian Jacob, souhaite également
qu'un vote du Parlement
engage la responsabilité du gouvernement,
tout comme l'ex-ministre de
la défense, Gérard Longuet.
VOTE
PAS OBLIGATOIRE
Les
députés UMP, Bernard Accoyer,
François Baroin, Axel Poniatowski
et Nathalie Kosciusko-Morizet sont
sur la même ligne, tout comme le patron de l'UDI Jean-Louis Borloo ou encore celui du MoDem, François Bayrou. Une dizaine de parlementaires UMP de la Droite populaire, dont l'ex-ministre Thierry Mariani, ont même prévenu
qu'ils boycotteraient le débat prévu mercredi
4 septembre, si un vote n'a pas lieu. Ce jour-là, députés et sénateurs sont convoqués pour débattre d'une intervention en Syrie. Mais sans pouvoir voter.
Selon la Constitution, rien
n'oblige le président à solliciter au préalable le soutien du Parlement pour engager
les troupes. L'article 35 prévoit
qu'en cas d'intervention des forces armées,
le gouvernement doit « informer
le Parlement au plus tard trois jours après le début de l'intervention ». Sachant que « cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote ».
"PRESSION SUR HOLLANDE"
L'appel à un vote formel
vise donc à contourner cette conception régalienne du pouvoir, qui fait du chef de l'Etat
et des armées l'unique décideur d'une intervention armée. « Demander d'engager la responsabilité du gouvernement
nous permet de respecter la tradition de la Ve République, tout en mettant un peu plus la pression sur François Hollande »,
explique un ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Un
"oui" du Parlement permettrait à M.
Hollande, isolé sur la
scène diplomatique, de « s'adosser
au moins à l'adhésion de la
représentation nationale »,
a précisé M. Juppé.
Pour
les partisans d'un vote, la France ne peut être le seul Etat
démocratique occidental à ne pas consulter son Parlement avant de lancer une intervention militaire, comme l'a fait la Grande-Bretagne
et comme s'apprête à le
faire les Etats-Unis, le 9 septembre.
« Nous ne pouvons pas être parmi les trois grandes démocraties, qui se sont préoccupées de ce problème de la Syrie, le seul pays à ne pas
voter », a résumé l'ex-président Valéry
Giscard d'Estaing, sur Europe 1.
M.
Hollande étant contraint d'attendre le feu vert de son allié américain, certains y voient une atteinte
à la souveraineté de la France. « Cela
me dérange car cela revient à faire décider le Congrès américain pour le peuple français », a regretté l'ex-ministre, Eric Woerth, à Arcachon. « Je suis choqué que
la France s'en remette à l'avis du Congrès américain, alors qu'on ne demande pas l'avis aux parlementaires français », a renchéri son ancien collègue du gouvernement, Luc Chatel.
COPÉ SE DÉMARQUE
Si
beaucoup à droite exigent une
consultation, Jean-François Copé s'est
démarqué des autres ténors. Dans un entretien au Monde daté du 3 septembre, le président de l'UMP estime qu'il
n'a pas à demander un vote car c'est
au seul président de la République de « choisir » de l'organiser. En suivant l'héritage gaullien et l'esprit de la Ve République, M. Copé se retrouve isolé dans son propre camp. A Arcachon, seul l'ex-ministre Christian Estrosi a
défendu à son tour les prérogatives
constitutionnelles du président.
« Comme je suis gaulliste, je défends la capacité du chef de l'Etat à
engager les forces armées », a souligné
le maire de Nice.
L'UMP tentera d'accorder ses violons mardi, lors d'un comité politique extraordinaire, avant que Christian Jacob réunisse le groupe à l'Assemblée. La question
syrienne risque de créer un nouveau sujet de clivage au sein d'un parti profondément divisé.
Alexandre Lemarié