Espionnage de la NSA : la classe politique française estomaquée
Le
Monde.fr avec AFP
01.07.2013
à 10h20
Les
dernières révélations sur l'ample programme
d'espionnage américain qui touchait aussi les institutions européennes suscitaient lundi 1er juillet de nombreuses réactions politiques en France. Plusieurs voix, à gauche et à droite, saisissent l'occasion de dénoncer les négociations qui doivent s'ouvrir en juillet sur un accord de libre-échange transatlantique
entre l'Union européenne et
les Etats-Unis.
Lundi après-midi, François Hollande a fait référence à cet accord, impliquant qu'il ne saurait se faire si l'espionnage américain de représentants de l'UE ne cessait pas "immédiatement".
"On ne peut avoir de négociations ou de transactions qu'une fois obtenues
ces garanties pour la
France, mais ça vaut [aussi] pour toute l'Union européenne,
tous les partenaires des Etats-Unis."
Durant
le week-end, le député européen
écologiste Daniel Cohn-Bendit
avait eu une réaction extrême,
estimant dimanche qu'il fallait "dénoncer tous les accords"
de l'Union européenne avec
les Etats-Unis, y compris
les négociations pour un accord de libre-échange, afin d'obliger le partenaire américain à "négocier un
accord sur la protection des données"
personnelles.
La
présidente du Front national, Marine Le Pen, a également demandé l'arrêt immédiat de ces négociations, précisant n'avoir "aucune espérance sur la capacité de François
Hollande" de faire un tel geste.
L'eurodéputée a souligné avoir été "la première"
à demander que la France accorde
l'asile politique à Edward
Snowden, le lanceur d'alerte
sur cette affaire d'espionnage diplomatique ainsi que sur
le programme de surveillance des données
personnelles de millions d'usagers
de divers services Internet mis en place par la
National Security Agency américaine (Prism). Les écologistes et Jean-Luc Mélenchon
ont également demandé que lui
soit offert l'asile.
La
vice-présidente et eurodéputée,
Marielle de Sarnez, a,
quant à elle, demandé une enquête européenne
et d'éventuelles sanctions contre
les Etats-Unis. Elle envisageait
également la convocation devant
les députés européns du représentant de l'administration
Obama auprès de l'UE.
PRUDENCE
AU GOUVERNEMENT
Avant l'intervention
de M. Hollande, les réactions au gouvernement
étaient restées prudentes. La ministre de la
justice, Christiane Taubira,
évoquait bien dimanche un "acte d'hostilité inqualifiable". Mais la ministre de l'économie numérique, Fleur Pellerin, relativisait l'importance de l'affaire. "Ce n'est pas vraiment
la première fois que ça arrive dans l'histoire", a commenté Mme Pellerin lundi matin sur BFMTV,
évoquant "ce même type d'événement pendant la
guerre en Irak".
En
revanche, Mme Pellerin s'est dite choquée
par le "dispositif de surveillance généralisée" des populations révélé
par les premières fuites d'Edward
Snowden, le programme Prism. Interrogée
sur l'opportunité de représailles, comme la suspension
des discussions commerciales, la ministre
a appelé à "ne pas mélanger
les sujets à ce stade."
Au
PS, le député Jean-Christophe Cambadélis,
secrétaire national chargé de l'Europe
et de l'international, se démarque
en appelant clairement sur son blog à suspendre les négociations : "L'Europe se déconsidérerait si elle passait l'éponge.
Si la confiance n'est pas là, aucune raison de traiter", ajoute ce haut responsable socialiste.
Eduardo
Rihan Cypel, député PS spécialiste des
questions de cybersécurité, voit
quant à lui dans cette affaire une preuve que "la France et l'Europe doivent se doter d'armes, se donner les moyens techniques pour parer aux tentatives de pénétrations et d'espionnage informatique qui sont en premier lieu le fait des Etats-Unis",
notamment dans le domaine commercial.
RÉACTIONS MESURÉES À L'UMP
Comme M. Cypel, le président UMP de la commission de la défense
au Parlement européen,
Arnaud Danjean, ne voit
"rien de totalement illogique" dans ce programme d'espionnage.
Il y voit une occasion de relancer l'Europe de la (cyber)défense et appelle à un simple
"travail minimal d'enquête" (BFM-TV). M. Danjean épingle au passage, sur Twitter,
"ce concours européen du plus indigné par l'espionnage" américain, qu'il juge naïf et "un peu pathétique".
Ce concours européen du plus indigné par l'espionnage US est un peu pathétique. Comme si tous
ces responsables vivaient chez les Bisounours
—
Arnaud Danjean (@ArnaudDanjean)
June 30, 2013
Ailleurs à l'UMP, les réactions restaient discrètes. Jean-François Copé,
qui préside le groupe d'amitié France - Etats-Unis à l'Assemblée nationale, a assuré lundi que
les faits d'espionnage, s'ils étaient confirmés,
"entacheraient" la relation entre
Washington et l'UE, qui a montré,
selon lui, de la
"naïveté". En écho, l'ancien
premier ministre François Fillon
a affirmé dans un
communiqué que cette
affaire était "très
grave" si elle s'avérait exacte. "Je soutiens François Hollande [...] Un allié
n'espionne pas un allié, un
ami n'espionne pas ses amis".
Le
député des Yvelines, Henri Guaino, jugeait quant à lui que ces
révélations n''étaient pas
"l'affaire du siècle", puisqu'"il
y a tellement peu à espionner à Bruxelles".
Michel Barnier, commissaire
européen du marché intérieur et des services (UMP), a demandé
lundi "des explications claires
et franches aux Américains",
tout comme Valérie Pécresse, secrétaire générale déléguée de l'UMP, qui demande au gouvernement français d'obtenir de l'administration américaine des informations
"sur le volume et l'étendue
d'une éventuelle collecte de données personnelles de citoyens français et d'entreprises françaises," dans le cadre
du programme Prism.