Le dissident qui défie Pékin et Washington

 

02.05.2012

 

Par Editorial

 

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Depuis le 26 avril, l'une des grandes figures de la dissidence chinoise, l'avocat Chen Guangcheng, était sous la protection de diplomates américains à Pékin. Il aurait quitté l'ambassade des Etats-Unis, ce mercredi 2 mai, pour être hospitalisé auprès de sa famille.

 

Visiblement, Américains et Chinois se sont entendus à la veille d'une échéance importante. La secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, et son collègue du Trésor, Timothy Geithner, sont attendus jeudi 3 et vendredi 4 mai en Chine pour la "conférence annuelle" sino-américaine. Elle porte sur le dialogue économique et stratégique entre la Chine et les Etats-Unis.

 

Toute la question est de savoir quels ont été les termes de l'accord passé entre Pékin et Washington sur le sort réservé à M. Chen. Celui-ci est un homme admirable. Agé de 40 ans, aveugle depuis la petite enfance, il a appris le droit et est devenu avocat. Il a défendu la cause de parents luttant contre la politique de l'enfant unique. Des chefs d'accusation fabriqués de toutes pièces lui ont valu quatre ans de prison - il a été torturé.

 

Sa libération en 2010 n'a pas mis fin à son calvaire. Assigné à résidence dans la ferme familiale de l'est du pays, il subit brimades et tabassages du groupe de nervis chargé de sa surveillance. Sa femme et sa fille ne sont pas épargnées. Il a toujours dit qu'il ne voulait pas quitter la Chine. Mais il entend faire condamner ceux qui, à la solde des autorités locales, ne cessent de le harceler, lui et sa famille. C'est le sens de sa "fuite".

 

Le moment est délicat pour les dirigeants chinois. La haute hiérarchie du PC est en plein débat interne. Elle vient d'exclure l'un des siens, Bo Xilai, l'un des plus en vue des chefs du PCC. L'affaire déstabilise la direction à quelques mois de son renouvellement cet automne, lors du 18e congrès du parti.

 

Un geste de compromis pour dénouer l'"affaire Chen" peut être exploité par le camp des "durs", celui des alliés de Bo Xilai, partisans d'une ligne ferme à l'égard des Etats-Unis. De leur côté, ceux-ci sollicitent la Chine. Ils sont en position de demandeurs sur des dossiers clés - Corée du Nord, Iran, Syrie, etc. - l'appui diplomatique de Pékin peut faire la différence.

 

La relation américano-chinoise est dans une phase difficile. Campagne électorale oblige, les Etats-Unis dénoncent le mercantilisme chinois, devenu l'un des thèmes de prédilection du candidat républicain, Mitt Romney.

 

L'interdépendance économique n'empêche pas une défiance stratégique de plus en plus affichée dans le Pacifique occidental : Américains et Chinois y frisent souvent l'incident.

 

Il faut espérer que Barack Obama a obtenu des autorités chinoises les garanties les plus solides sur la situation qui va maintenant être celle de M. Chen. Il en va de la fidélité du président démocrate aux valeurs qu'il défend.

 

Et il faut espérer que les dirigeants chinois auront saisi au moins l'un des messages que leur adresse un jeune avocat aveugle : l'avenir de la Chine, c'est l'Etat de droit, pas le règne des nervis.