Les dangers du blocage politique à Washington

 

04.11.10

 

Au tout début du siècle passé, le président Theodore Roosevelt disait de la Maison Blanche qu'elle était un "bully pulpit" - une "chaire formidable", à résonance maximale, à partir de laquelle le chef de l'exécutif américain peut prêcher, expliquer, bref "vendre" sa politique. Pour peu qu'il veuille bien l'utiliser.

 

Cela n'a pas été le cas au cours des deux premières années de la présidence de Barack Obama. Le 44e président des Etats-Unis a une manière distante, professorale - arrogante, disent certains - d'exercer son mandat. Cela n'a sans doute pas peu contribué à la défaite qu'il a enregistrée mardi 2 novembre à l'occasion du scrutin législatif de mi-mandat.

 

L'opposition républicaine remporte une confortable majorité à la Chambre des représentants et se renforce au Sénat. Elle gagne une majorité de postes de gouverneur. Pour M. Obama, l'avertissement est clair.

 

C'est affaire de style, on l'a dit. Et de fond, bien sûr : le vote de mardi est un coup de colère des Américains, d'une majorité d'entre eux, face à une situation économique dramatique. Le chômage frôle les 10 %, la croissance est anémique (2 %), le moral durablement atteint.

 

Il y a un côté injuste dans cette sanction. En politique intérieure, le bilan de M. Obama est plus que respectable : sauvetage du système financier, loi sur l'assurance-maladie, réforme de l'éducation, esquisse d'une législation climat, enfin plan de relance de l'activité qui s'est avéré insuffisant, mais sans lequel le chômage dépasserait les 12 %.

 

Il a fallu des compromis pour faire passer ces lois, et M. Obama a déçu à gauche. L'ensemble a donné l'image d'un gouvernement trop interventionniste, et M. Obama a fait peur à droite. Le résultat est désastreux. Les Etats-Unis se retrouvent avec ce qu'on appelle un "gouvernement divisé" : la Maison Blanche d'un bord, une partie du Congrès de l'autre.

 

C'est une configuration habituelle à Washington. Elle n'était pas source de blocage tant que les deux grands partis étaient encore en mesure de trouver des terrains d'accord. C'est de moins en moins le cas, et il y a fort à craindre que le "gouvernement divisé" de 2010 soit un gouvernement paralysé. Mauvaise nouvelle.

 

La faute en revient principalement au Parti républicain, devenu une formation sectaire et dogmatique. Dès mercredi, le futur chef de la majorité à la Chambre, John Boehner, n'a pas caché que son ordre du jour était un ordre de bataille : pas de compromis avec la Maison Blanche, tout faire pour tenir M. Obama en échec.

 

En temps normal, ce serait déjà inquiétant. Mais les temps ne sont pas normaux. L'économie est menacée d'étouffement déflationniste. En témoigne la mesure exceptionnelle, et exceptionnellement dangereuse, que la Réserve fédérale vient d'annoncer : injecter 600 milliards de dollars dans l'économie en faisant marcher la planche à billets.

 

Ces temps- requièrent un président qui s'impose au-delà des clivages partisans. Un président qui utilise le "bully pulpit".