Avatar: rien d'autre qu'une bête justification
de la guerre!
par Pierre Desjardins
27.01.10
aïvement, beaucoup ont vu dans le film de James
Cameron Avatar un film antimilitariste, voire même pacifiste
et écologiste. Pourtant, il n'en est
rien !
Bien au contraire, ce film
se veut l'éloge de la
violence et de la guerre. Il est
vrai qu'en inversant les rôles et en caricaturant l'armée américaine, ce film vient brouiller les cartes et en a confondu plus
d'un. Mais, sous ses décors champêtres idylliques, ce film dissimule toutefois un discours éminemment corrosif :
celui de la justification de la guerre pour les paisibles Occidentaux que nous sommes!
Rappelons d'abord la scène de cet arbre
énorme qui tombe avec
fracas au milieu d'une population désemparée.
Comment ne pas y voir l'analogie
avec la chute des tours du World Trade Center ? D'ailleurs, à partir de cette scène grandiose, tout se verra
justifié pour le peuple d'indigènes sauvagement attaqué sur sa propre planète. Et c'est
nul autre qu'un marine américain, Jake, le héros du film, qui proposera aux autochtones de s'unir ensemble
(les forces alliées), pour réprimer
et tuer ceux qui, tels des terroristes, les ont lâchement attaqués.
C'est à ce
moment qu'apparaîtra à l'écran
dans toute sa splendeur l'aigle
impérial américain (sous le couvert d'un dragon géant à la Transformers) que chevauchera hardiment notre héros américain
pour mener les indigènes jusqu'à la victoire finale.
Ce héros, un simple soldat américain éclopé de la guerre, revampé dans un corps neuf, va reprendre du service mais pour une bonne
cause cette fois-ci ! A ce
titre, il est l'illustration parfaite de l'Américain moyen, c'est-à-dire un innocent
qui ne veut pas de la guerre mais
qui, pour les besoins de la cause, va finir par se transformer en un
combattant enragé exhortant même la population indigène à le suivre dans le combat. Lorsqu'on est attaqué,
il faut savoir se défendre. C'est là un droit
absolu. Tel est
le message central de cette superproduction
américaine de 300 millions de dollars qui se veut l'expression de l'idéologie guerrière, c'est-à-dire celle de la guerre dite juste ou,
si l'on veut,
celle du bien contre le mal…
Car le film fait le partage entre les bons guerriers (les Na'vi) et les mauvais guerriers (les GI's). Mais on le sait, il n'y a
pas de bons et de mauvais guerriers. Toute guerre, même celle
qui semble la plus insensée,
se fait toujours pour des motifs dits
justes parce que de défense (ce n'est pas pour rien que l'on
parle de ministère de la défense). Rappelons que même pour Hitler, la guerre était juste : il s'agissait
d'élargir le territoire allemand pour assurer la survie
de son peuple. On ne part pas en guerre pour se battre, vous dira
d'ailleurs n'importe quel belligérant, mais pour se défendre ! C'est là
l'essence même de la guerre
et c'est cette
essence fondamentale que veut remettre au goût du jour le film Avatar. Le mot même
d'avatar, qui vient du sanskrit, désigne
un envoyé de Dieu qui
assure le combat du bien contre
le mal.
Notons par ailleurs comment plusieurs scènes de combat dans la jungle sont un rappel de ce que fut
pour les Américains la guerre du Vietnam où, malgré l'utilisation
de napalm, la puissance américaine fut piétinée et humiliée. A pareille humiliation,
propose subrepticement ce film, il faut désormais savoir riposter intelligemment. Non pas effrontément en écrasant tout sur son passage ou en employant bêtement du gaz toxique, mais
en ciblant avec précision l'ennemi, et cela
de concert avec les autres nations menacées. Ne trouve-t-on pas là la justification parfaite de
la guerre en Afghanistan ?
Et, comme toujours,
les indigènes nous sont présentés comme des êtres attachés à des rites dépassés
et que doit guider vers le combat le héros
intelligent du film. Armé d'une
mitraillette pour anéantir l'envahisseur, ce
Na'vi d'un type nouveau à l'allure d'un féroce exterminateur donnera l'exemple en montrant à ces pauvres indigènes comment combattre sans pitié et établir leur suprématie.
Cela n'est pas sans rappeler les westerns américains où, presque toujours,
un vaillant cowboy finissait
par s'associer aux Indiens
pour les inciter à se battre à mort contre l'armée américaine. En servant ainsi de justicier, pareil héros participait
subtilement à une déculpabilisation nécessaire
quant au génocide des peuplades
d'Amérindiens.
De la même
façon, ce
film permet de redéployer l'aigle américain avec fierté et noblesse. Son réalisateur,
James Cameron, aura sans doute compris
mieux que tout autre cinéaste que pour qu'un film plaise, il
faut savoir réconforter le
public dans ses
convictions. Tuer, oui, mais tuer uniquement
ceux qui menacent la sécurité de nos pays ! Voilà qui est rassurant
et sécurisant. Grâce à ce film, la formule
si vis pacem,
para bellum ("Si tu veux la paix, prépare
la guerre") peut donc reprendre du service. Le seul hic
toutefois avec cette vieille et ridicule formule est qu'elle
est valable pour tout peuple qui se sent menacé…
Et dommage en terminant qu'un film qui, outre ses prouesses
techniques, n'apporte rien
de neuf sous le soleil, aille par ailleurs chercher tous les hommages. Se situant quelque part entre un film de Walt Disney et un épisode
des Transformers ou encore, entre Jurassic Park et
Terminator, Avatar va dans toutes les directions. Par exemple,
la formule simpliste d'animaux amis
des bons et ennemis des méchants est plus que désolante. Mais pour un pays où les problèmes environnementaux ne sont pas encore pris au sérieux, c'est sûrement amplement suffisant !
Et sans nul doute qu'avec des formules aussi racoleuses, le roi du monde, comme aime se nommer James Cameron, saura plaire à un très large public et sera, une fois de plus, couronné de tous les honneurs !
Pierre Desjardins est auteur et professeur
de philosophie au collège pré-universitaire Montmorency (Québec).