Echec libyen

 

Editorial

 

03.09.09

 

out était fin prêt à Tripoli, la capitale libyenne, pour célébrer avec faste, à partir du mardi 1er septembre et pendant six jours, le 40e anniversaire d'une révolution qui vit en 1969 une poignée d'"officiers libres" renverser le vieux roi Idris. Parmi les douze jeunes militaires qui mirent à bas la monarchie sans verser une goutte de sang, l'un d'entre eux, un lieutenant d'à peine 27 ans, Mouammar Kadhafi, allait rapidement s'imposer jusqu'à devenir le maître absolu du pays. Il l'est toujours.

 

Son bilan est accablant. Le fringant officier qui avait fait de l'Egyptien Nasser son modèle a échoué sur toute la ligne. Despote aujourd'hui vieillissant et pathétique, il règne sur un pays dépourvu de Constitution, la démocratie est un vain mot, la justice un instrument au service du pouvoir, et la défense des droits de l'homme un slogan vide de sens. Economiquement, le constat n'est pas plus brillant. Assis sur les premières réserves d'hydrocarbures d'Afrique, le "Guide" a dilapidé la manne pétrolière par centaines de milliards de dollars en achats d'armes ou en projets pharaoniques.

 

Les dirigeants européens ne se bousculeront pas au côté de l'encombrant et fantasque colonel Kadhafi. D'autant que devrait figurer à la tribune le seul condamné dans l'attentat de Lockerbie (270 morts), libéré il y a peu par l'Ecosse. Pour ne pas être accusés de cautionner un régime longtemps au ban des nations, les chefs d'Etat européens resteront donc chez eux, confiant à d'autres - un ministre, un ambassadeur... - le soin de les représenter.

 

Mais on devine comme une gêne dans cette façon d'esquiver l'invitation du "Guide". En France, par exemple, il a fallu patienter jusqu'à lundi midi avant que l'Elysée ne finisse par annoncer que le secrétaire d'Etat à la coopération, Alain Joyandet - et non Nicolas Sarkozy, comme le prétendaient des sources libyennes -, représenterait notre pays à Tripoli.

 

C'est qu'aucun pays occidental ne veut se brouiller avec un pays au sous-sol gorgé de pétrole et de gaz et qui a décidé d'investir à tout-va pour rattraper son retard. Déjà solidement implantée en Libye, l'Italie veut construire des autoroutes et des raffineries dans son ancienne colonie. La Grande-Bretagne lorgne sur l'or noir. La France espère vendre à Tripoli des avions Rafale et des centrales nucléaires. Et la Suisse faire revenir dans les coffres de ses banques les pétrodollars que le "Guide" a retirés. Le colonel Kadhafi est jugé peu fréquentable, mais le carnet de chèques qu'il agite fait rêver les Occidentaux.