Scientologie : la liberté religieuse au coeur des plaidoiries
18.06.09
A l'en
croire, Patrick Maisonneuve,
l'avocat de l'association
de l'Eglise de scientologie,
n'a jamais vu ça : "Voilà trente ans que
j'exerce et c'est la
première fois que je passe d'un réquisitoire de
non-lieu à un réquisitoire de peine
capitale", a-t-il lancé, mercredi 17 juin, devant le tribunal correctionnel de Paris, qui juge depuis le 25 mai six adeptes de l'Eglise de scientologie pour "escroquerie
en bande organisée",
"exercice illégal de
la pharmacie", ainsi que l'Eglise et sa librairie en tant que personne
morale.
Deux jours après la demande du ministère public, représenté par Maud Coujard et
Nicolas Baïetto, de dissoudre
la structure de la Scientologie en France, Me Maisonneuve et ses clients n'ont toujours
pas digéré la "véhémence"
de la charge. "Ça m'a surpris", a lâché l'avocat dans sa
plaidoirie. "Un réquisitoire
aussi violent pour des gens qui ne se sont pas enrichis d'un centime d'euros !", s'est-il exclamé.
Ce ténor du barreau parisien, habitué des grandes affaires, n'y voit qu'une explication : "L'ambiance, la pression." Selon lui, le procès
s'est déroulé dans un contexte "de haute
tension". En France, la Scientologie souffre d'une réputation
sulfureuse. En 1995, une
commission parlementaire l'a
rangé au nombre des sectes, lui refusant
le statut d'Eglise que lui ont
pourtant reconnu de nombreux pays. Me Maisonneuve les
a énumérés. Outre les Etats-Unis où l'organisation
de Ron Hubbard - l'auteur de science-fiction, qui l'a fondée en 1954 -, revendique plusieurs millions d'adeptes, il a rappelé qu'en 1988 le Portugal,
en 2000 la Suède, en 2006 la province du Québec et en
2008 l'Espagne avaient reconnu la Scientologie comme une Eglise.
"Si, en France, les pouvoirs publics estiment que la Scientologie est une cause de trouble à l'ordre public, eh bien, que ces pouvoirs
publics prennent leurs responsabilités ! Qu'ils le disent, a tonné l'avocat. Qu'ils ne se cachent pas derrière les juges."
Car selon lui, les autorités veulent que le tribunal de Paris fasse ce qu'elles n'osent
pas faire : interdire la Scientologie.
"Vous ne le ferez pas,
a-t-il recommandé aux juges. Il s'agirait d'arbitrer sur la question religieuse." Et de rappeler qu'en droit français,
il n'y a pas de définition de la religion. La Constitution et la Déclaration des droits de l'homme protègent la liberté des citoyens à pratiquer le culte de leur choix. "La République respecte toutes les croyances", a souligné Me Maisonneuve.
"BRARD, C'EST NO RELIGION"
Pour l'avocat,
les trois semaines d'audience n'ont révélé aucun élément
qui corroborerait les accusations d'escroquerie.
Les méthodes qui ont cours chez les scientologues ?, s'est interrogé Me Maisonneuve. "Elles sont du XXe siècle. Ca n'a rien de choquant",
a-t-il tranché. Les tarifs sont chers
? Ne le sont-ils pas dans d'autres religions ?, a-t-il indiqué. Me Maisonneuve s'est renseigné : "Au Consistoire de Paris, les prix pour un mariage
variaient de 6 000 francs à 31 000 francs (en
1998-1999, l'époque des faits
reprochés)."
Selon lui, Aude-Claire
Malton - celle des deux plaignantes qui a le plus souffert de son passage en Scientologie
- n'a jamais été contrainte de verser la moindre somme d'argent.
Hors ces
plaignants, Me Maisonneuve n'a entendu aucun
témoin à charge. Ceux cités par la partie civile n'ont révélé
aucun fait. Ainsi,
Jean-Pierre Brard, député
(app. PCF), entendu par le
tribunal le 8 juin. "Brard
est antireligieux tout le
temps et pour toutes les religions", a fustigé Me Maisonneuve.
"Churchill, c'était no sport. Brard, c'est no religion",
a-t-il ironisé. Et de relever que depuis
le début du procès, aucun adepte n'a réclamé
un remboursement. "On vous
demande la dissolution. Moi
je vous demande de dissoudre les préjugés, les idées préconçues et les atteintes à la liberté d'expression", a-t-il conclu. Jugement le 27 octobre.
Yves Bordenave