Barack Obama à Notre Dame

 

Par Corine Lesnes

 

13.05.09

 

ous les dimanches, les paroissiens de Washington attendent, pleins d'espoir. Viendra-t-il ? Barack Obama n'a pas encore choisi d'église. Il a laissé passer Pâques, et même les 100 jours, sans marquer de préférence. Jimmy Carter allait à la First Baptist, comme Harry Truman. Bill Clinton, à l'église méthodiste, à deux kilomètres de la Maison Blanche. La famille Obama a été vue une fois à l'église baptiste de la 19e Rue, et deux fois à l'église épiscopalienne Saint John. Mais elle n'a pas encore annoncé son choix.

 

Trouver une église est une affaire compliquée aux Etats-Unis (ne parlons pas des couples mixtes pentecôtiste-presbytérien, luthérien-unitarien, etc., qui doivent prendre des décisions drastiques au moment du mariage). Les possibilités sont infinies. Rien que sur la 16e Rue, à Washington, dite "le boulevard de Dieu", on croise une cinquantaine de lieux de culte, dont un temple maçonnique monumental, dessiné sur le modèle du mausolée d'Halicarnasse, et gardé par deux sphinx.

 

Dans le cas de Barack Obama, le choix est encore plus délicat, du fait de la division des communautés. Eglise noire ? Blanche ? Mixte ? Quand il a renoncé à sa congrégation en 2008, à la suite de la controverse autour de son pasteur, le révérend Jeremiah Wright, Barack Obama s'est promis d'attendre que l'élection soit passée pour choisir une nouvelle paroisse.

 

Depuis le 20 janvier, les invitations s'accumulent. Ici, la première congrégation noire, fondée par un ancien esclave, on lui rappelle qu'il n'y a "rien de tel que l'Eglise noire pour se sentir chez soi". , une communauté mélangée, qui conviendrait mieux à son message "postracial". Pour les Eglises locales, ce serait une consécration. "Même la presse internationale s'est intéressée au chien choisi par les Obama, alors imaginez l'Eglise !", a dit un pasteur au Washington Post.

 

Pour un président qui se targue de pragmatisme, Saint John serait le choix idéal. "Sans risque", comme dit le Post. C'est l'église la plus proche, juste en face de la Maison Blanche. Depuis James Madison, elle est qualifiée d'"église des présidents", et le banc 54 leur est réservé. Handicap : le rite épiscopalien n'est pas des plus réjouissants. On extériorise peu. A la deuxième messe, Sasha baillait déjà (alors qu'elle s'était levée de son siège pour voir la chorale des enfants à l'église baptiste !).

 

En attendant de trouver un endroit susceptible de contenter tout le monde, Barack Obama sera au milieu des catholiques dimanche 17 mai. A Notre Dame, l'université catholique de l'Indiana. Fondée en 1842, Notre Dame (prononcez "notre dèm") est une institution. Elle possède l'une des meilleures équipes de football universitaire du pays et l'une plus belles collections de vitraux XIXe siècle du monde. Il y a aussi une grotte de Lourdes les étudiants viennent allumer des cierges avant les examens.

 

Cette année, le président de l'université, le Père John Jenkins, a invité le président Obama à prononcer le traditionnel discours qui précède la remise des diplômes. Depuis, les pétitions succèdent aux manifestations d'hostilité contre le président "le plus radical et le plus pro-avortement" qui ait jamais existé, selon l'expression du républicain Newt Gingrich, lui-même converti récemment au catholicisme. 360 000 personnes ont signé le texte qui déclare qu'en invitant Barack Obama Notre Dame a choisi "la popularité plutôt que la moralité". Dans le ciel de l'université, circule un petit avion qui tire une banderole : un dessin de foetus ensanglanté. Notre-Dame est devenue symbole des divisions du catholicisme américain.

 

Les traditionalistes reprochent à Barack Obama d'avoir rétabli les subventions américaines au planning familial à l'étranger et d'avoir autorisé les crédits fédéraux pour la recherche sur les cellules souches. Des étudiants de dernière année ont prévu de boycotter son discours et de se retirer à la Grotte : "Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que l'université honore quelqu'un qui croit qu'une catégorie entière d'humains ne mérite pas le plus fondamental de tous les droits : le droit à la vie."

 

L'insurrection ne serait qu'anecdotique si elle n'avait gagné les dignitaires. Soixante-dix évêques ont pris position contre l'initiative de Notre Dame. Jusqu'au cardinal Francis George, l'archevêque de Chicago, la ville du président. Les religieux s'appuient sur le texte de la conférence épiscopale de 2004 Catholiques dans la vie politique, qui stipule que les institutions ne donneront pas de médaille ou de plate-forme à ceux qui agissent en contradiction avec les "principes moraux fondamentaux" de l'Eglise. Résultat : 52 % des Américains pensent désormais que Notre Dame n'aurait pas inviter le président, ainsi que 60 % des catholiques (alors qu'il avait recueilli 54 % du vote catholique en novembre).

 

Paradoxalement, la défense de Barack Obama est venue du Vatican. Dans un article mesuré, L'Osservatore Romano a constaté que le nouveau président avait certes levé l'interdiction frappant les cellules souches, mais en y mettant des conditions. De la même façon, il a recentré la position démocrate sur l'avortement. Bref, "les peurs d'un changement radical n'ont pas été confirmées".

 

Reste à convaincre les évêques...