Obama, noir rouge et
vert
par Frédéric Lemaître
08.05.09
Alors que la presse
chante les louanges de
Barack Obama, cent jours après son arrivée à la Maison Blanche, ce jeune
homme m'inquiète. Chaque jour amène son lot de funestes nouvelles. Passons sur sa décision de révéler les horreurs pratiquées par la CIA, cela ne relève pas de mon champ de compétence, même si ce
primat accordé à la morale sur la Realpolitik ne me dit rien de bon. Ce n'est pas Tony Blair ou Hubert Védrine qui auraient agi de la sorte.
Non, l'essentiel concerne l'économie. On aurait pu
espérer que les déclarations de principe des
premiers jours visant à créer 4 millions d'emplois dans les dix ans
n'engageraient que ceux qui les ont écoutées. Mais non
: ils se mettent en
place. Malgré les contestations de certains, l'administration Obama vient de donner le coup d'envoi au soutien de l'éthanol comme substitut au pétrole. Surtout, le président met l'accent sur les nouvelles technologies. Dans son programme
de relance, 30 milliards de dollars y sont consacrés et 900 000 emplois devraient très vite voir
le jour, dans ce secteur. Et contrairement
aux années Clinton, il ne s'agit plus d'innover pour innover. Trois domaines sont prioritaires : la santé, les
réseaux électriques et l'Internet haut débit. A ce rythme,
l'Europe, qui devait être l'économie la plus compétitive en 2010, a quelques soucis à se faire.
Le pire est que ce président,
non content d'être "vert", applique une politique
hostile aux milieux d'affaires.
Sa gestion du dossier
"automobile" est révélatrice.
Après avoir viré le patron
de General Motors, le voici qui remet
les clés de Chrysler et demain de GM à l'UAW, le syndicat de l'automobile, en passe de devenir le principal actionnaire des deux constructeurs. Les plus optimistes expliquent que c'est le meilleur
moyen de faire passer la pilule
des restructurations aux ouvriers,
mais les actionnaires ont quasiment tout perdu. Merci M. Obama !
Le Monde n'avait pas tort de titrer dès le 28 février que M. Obama se positionnait clairement "à gauche". Sa politique
fiscale en témoigne. Il y a d'abord eu
l'augmentation des impôts
pour les hauts revenus. Passons :
grâce aux amis de Bernard Madoff, la plupart de ceux que la presse
qualifie de "riches" espéraient
pouvoir y échapper grâce à quelques placements judicieux dans les paradis fiscaux. Vain espoir ! Ceux-ci sont désormais
dans le collimateur de ce M. Obama. Finies,
les facilités qui permettent
aux multinationales de n'être
imposées qu'à hauteur de 2,3 % sur les bénéfices
réalisés à l'étranger. M.
Obama veut faire ainsi entrer dans les caisses 210 milliards supplémentaires.
Lui, d'habitude si élégant, s'est
même abaissé à dénoncer un cabinet d'avocats installé aux îles Caïman, chez qui sont enregistrées 18 857 sociétés. Quelle ingratitude à l'égard de Wall Street, qui a tant
fait pour son conseiller économique,
Larry Summers, et si largement financé sa campagne. Je vous le dis : cet homme
n'a pas fini de nous en
faire voir.
Courriel : lemaitre@lemonde.fr.