Edito du Monde
G20
fondateur
February 2, 2009
ême si l'accouchement
se révèle douloureux, c'est bel et bien
un nouveau monde qui émerge à Londres
sous nos yeux. Un monde moins anglo-saxon et moins libéral. Vingt ans après la chute du mur de
Berlin, dix ans après l'échec de la conférence de
Seattle sur la libéralisation
du commerce, un nouvel équilibre
semble se dessiner, tant sur le plan politique que sur
le plan économique, d'ailleurs
liés comme rarement.
Au niveau
politique, les rencontres
entre Barack Obama et ses homologues russe et chinois le rappellent :
les Etats-Unis, première puissance militaire de la planète, restent le centre de gravité politique. Mais, de Téhéran à Kaboul en passant par
Pyongyang, tout l'atteste : Washington, même dans le cadre de l'OTAN, est incapable de résoudre seul les conflits qui secouent la planète. A la différence de son prédécesseur,
Barack Obama l'assume.
Il en va
de même sur le plan économique et monétaire. Certes,
le capitalisme reste un
horizon indépassable. Mais économie libérale ne signifie plus que tout est marchand. Surtout,
ce marché a besoin d'être régulé. C'est en cela que
le capitalisme débridé a peut-être vécu. Ironie : c'est à Washington (en novembre
2008) et à Londres que se referme la parenthèse ultralibérale ouverte il y a une vingtaine
d'années par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Le capitalisme a besoin d'Etats forts, capables, financièrement et juridiquement, d'imposer leurs règles. Et, comme le passé a prouvé que le chacun-pour-soi
n'était pas la solution, ces
règles doivent en partie êtres communes.
D'où le renforcement du discret Forum de stabilité financière, appelé, dix ans après sa
création, à jouer le rôle de tour de contrôle mondiale des marchés financiers. Mais qui dit règles
mondiales dit gouvernance mondiale (d'où le G20) et à terme monnaie mondiale, comme l'illustre le débat sur la fin du roi dollar. La devise américaine reste la référence, mais sa suprématie
est contestée, notamment - et ce n'est pas un hasard - par la
Chine et la Russie. Demain,
quelle que soit la forme retenue,
l'euro, le yuan et sans doute
le yen joueront un rôle accru, ne serait-ce que parce que
l'Union européenne, la
Chine et le Japon seront de
plus en plus souvent appelés
à la rescousse pour aider les pays en difficulté. D'où le renforcement du FMI et la réforme de sa gouvernance.
En ouvrant ces dossiers, le
G20 a réussi un paradoxe : commencer à élaborer les fondations du monde de demain avant même d'avoir
éteint l'incendie qui fait
rage.