Barack Nixon?
EDITORIAL
23 March, 2009
Barack Obama a adressé, le 20 mars, aux dirigeants
iraniens, un message solennel
exprimant sa "détermination à rechercher un
dialogue honnête fondé sur un respect mutuel". Le geste est historique,
tant il semble
signaler le début d'un dégel, après presque trente ans d'absence de relations diplomatiques entre les Etats-Unis
et la République islamique.
Trente ans, c'est-à-dire
depuis la spectaculaire prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran, qui avait scellé le basculement de l'Iran dans le rôle d'ennemi de Washington au Moyen-Orient. La diplomatie américaine semble prête à opérer un grand virage, rompant avec la décision prise en 2002 par l'équipe de George Bush de classer l'Iran
dans l'"axe du
Mal", en dépit des efforts que
Téhéran avait consentis contre les talibans en Afghanistan.
Ce retournement complet, s'il se confirme, évoque un précédent mémorable. En 1972,
Richard Nixon avait stupéfié
le monde en se rendant à Pékin
pour rencontrer Mao Tsé- toung et établir, pour la
première fois, des relations avec la Chine communiste. Les Etats-Unis cherchaient alors à se désengager du Vietnam et à élargir
leur palette diplomatique dans la "guerre froide"
contre l'Union soviétique. A la veille du
voyage, Nixon avait griffonné
sur un papier les priorités à aborder : "1. Taïwan - le plus crucial (en référence
à la demande chinoise d'une réduction de la présence militaire américaine dans la région). 2. Vietnam - le plus urgent."
L'époque est bien
sûr différente, mais on peut imaginer que M.Obama ait
rédigé la note suivante :
"1. Garanties de sécurité
- le plus crucial (pour le régime iranien, qui veut être assuré
que Washington a cessé d'en vouloir à son existence même). 2. Irak, Afghanistan - le
plus urgent (volonté américaine
de trouver une issue à ces théâtres d'intervention
militaire)." Le chantier
est immense, et les chances de succès
sont loin d'être garanties,
face à un pouvoir iranien opaque
et prompt à tergiverser. Rien
n'indique que M. Obama puisse s'envoler de sitôt pour Téhéran. Washington veut privilégier une stratégie des petits pas.
La question centrale, passée sous silence dans le message de
M. Obama, est celle des travaux nucléaires iraniens, qui se rapprochent d'une capacité militaire. La Russie est sollicitée pour accroître la pression sur Téhéran. Les Israéliens veulent des garanties, comme les pays arabes du Golfe. La diplomatie est réactivée, c'est une bonne chose. Mais le péril nucléaire
iranien reste entier. Et le délai pour le neutraliser se réduit inexorablement.
Article paru
dans l'édition du 22.03.09