L'Histoire, mardi
Edito du Monde
22.01.09
es Américains ne s'y sont pas trompés.
Ils ont vécu
mardi 20 janvier un moment d'histoire. Un de ces moments qui
transforme la vie d'un pays, n'efface
pas le passé, mais porte l'espoir d'un autre avenir. Tout au long de cette journée, la grâce et l'élégance naturelle de Barack
Obama n'ont pas réussi à banaliser l'événement : un Afro-Américain entre à la Maison
Blanche.
Les attentats
du 11 septembre 2001 étaient
loin, et conjurée la peur entretenue et cultivée des années durant à des fins partisanes par celui qui, ce même mardi,
quittait la présidence :
les Américains fêtaient la confiance retrouvée. Cela éclatait dans
le public – quelque deux
millions de personnes – réuni
à Washington, sur le Mall, immense esplanade que bornent les grandes institutions de la République
américaine, de la Maison
Blanche au Congrès, en passant par la Cour suprême.
Revanche sur le passé raciste du pays, témoignage de
son inentamable capacité à
se renouveler, l'arrivée de
M. Obama à la présidence est
une preuve de la vitalité de la démocratie américaine. Au-delà de l'image que les Américains ont d'eux-mêmes, cette élection change la représentation
de l'Amérique à l'étranger.
Cela ne peut pas être sans conséquence après quelques années d'une politique arrogante et brutale d'incompréhension du monde tel qu'il va. Le changement est déjà là, avec cette première mesure du président Obama : la suspension des procédures
judiciaires à Guantanamo.
Et puis
il y a eu les mots, mardi, du nouveau président, venus confirmer le
message de sa campagne. Ce qui séduit ici,
c'est ce mélange, si peu français,
de recalibrage de ce que peut l'action
politique. Elle peut beaucoup,
et M. Obama entend remédier
à quelques-uns des plus terribles
maux de la société américaine (en matière d'éducation, de santé, notamment).
Mais elle ne peut pas tout, et M. Obama le dit
aussi, se refusant à manier l'illusionnisme du "y
a qu'à", et réhabilitant
le sens de la responsabilité
de chacun. Il a pris la mesure du désastre dont il hérite
: deux guerres, le conflit israélo-palestinien à vif, une récession
comme le pays n'en pas a connu depuis quatre-vingts
ans. Mais il va répétant : les réformes prendront du temps; il ne fera pas de miracle; il n'est pas omnipotent. Les Américains apprécient, qui le créditent d'un taux de popularité proche de 80%. Il en
aura besoin.