C'est ce qu'aurait négocié la Chine avec l'organisation
terroriste, affirme Roger Faligot dans «Les services
secrets chinois. De Mao aux JO».
Ce spécialiste du renseignement y retrace l'histoire des liens entre l'Empire du Milieu et la mouvance islamiste
Ian Hamel - 23 Février
2008
Demain, le mot «Guoanbu» vous sera aussi familier que «CIA», «KGB» ou «Renseignements généraux». La Chine ne devient pas seulement une très grande puissance mondiale, elle met aussi sur pied les plus importants services secrets du monde. Deux millions d'espions qui scrutent vos faits et gestes, surtout si vous êtes un athlète, un journaliste sportif ou un opposant aux prochains JO de Pékin. Pour ces derniers, la Chine a d'ailleurs créé un centre de renseignements spécifiques, doté d'un budget de 1,3 milliard de dollars (1,41 milliard de francs).
La sécurité est devenue une priorité nationale dans l'Empire du Milieu, qui redoute plus que tout des drames du type de celui de la place Tian'anmen, en 1989, tels des manifestations d'opposants ouïgours (une minorité chinoise musulmane) ou tibétains, pendant la fête planétaire du sport en août prochain. Dans «Les services secrets chinois. De Mao aux JO», le sinologue Roger Faligot révèle que le général Chen Xiaogong, nouveau coordinateur du renseignement militaire, aurait négocié avec Al-Qaida pour éviter des attaques terroristes pendant les JO.
Le petit-fils de Mao
Les liens entre la Chine et la mouvance islamiste sont anciens. Fin 1979, dès l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS, les Chinois décident d'aider les moudjahidin. Ils leur livrent des pistolets-mitrailleurs Simonov et des fusils d'assaut Kalachnikov qui ont l'avantage d'utiliser les mêmes munitions que les armes russes. A l'ambassade de Chine à Islamabad, au Pakistan, opère un attaché militaire adjoint du nom de Kong Jining. Or ce commandant qui approvisionne les islamistes en armes de guerre n'est autre que le petit-fils de Mao Zedong.
«Le choix d'un tel agent montre combien les Chinois ont accordé un rôle capital aux opérations en Afghanistan. Ces bonnes relations se sont poursuivies avec les talibans. Ces derniers ont récupéré pour leurs amis chinois un missile américain qui n'avait pas explosé lors de l'intervention des Etats-Unis en Afghanistan fin 2001», raconte Roger Faligot.
Eviter les kamikazes
Par ailleurs, les services secrets chinois ont réussi à infiltrer des agents secrets ouïgours dans la mouvance d'Al-Qaida. Les premières négociations avec l'entourage d'Oussama ben Laden auraient débuté en 2006 dans le Baloutchistan (une province du Pakistan). Les terroristes avaient alors assassiné plusieurs ingénieurs chinois. Apparemment, Pékin a réussi à trouver un terrain d'entente avec Al-Qaida. Les meurtres ont cessé.
Cette fois, qu'a pu promettre la Chine pour qu'aucun kamikaze ne se fasse exploser dans les tribunes du stade lors de la finale du 100 mètres? Et surtout, quelle confiance peut-on accorder à un engagement pris par Oussama ben Laden? La réponse en août prochain, à Pékin.
Tchang, l'ami de Tintin était-il un agent communiste?
Les «tintinophiles» vont-ils louer Roger Faligot ou le maudire? Dans son livre, le sinologue décortique certaines inscriptions en chinois du livre «Le lotus bleu». Elles proclament: «A bas l'impérialisme!», «Abolissons les traités inégaux!» ou «Boycottez les marchandises japonaises!». Autant de slogans inspirés par le Parti communiste chinois, et qu'un étudiant à l'Académie royale des beaux-arts à Bruxelles, Tchang Tchong-jen, a soufflé à son ami dessinateur Georges Rémi, alias Hergé, le père de Tintin.
Le fameux Tchang était-il un agent communiste? C'est ce que laisse entendre l'auteur. Il raconte que le jeune homme était très proche du maréchal rouge Chen Yi, qui a pris Shanghai en 1949, avant d'en devenir maire. Tchang devient alors un article officiel, à qui les autorités commissionnent des oeuvres, sculptures et peintures, symbolisant l'union du peuple tout entier derrière le parti communiste. Hergé a-t-il été manipulé? «Sans doute pas, répond Roger Faligot. Mais instrumentalisé par la propagande du PCC.»
À lire
«Les services secrets chinois. De Mao aux JO», par Roger Faligot, Editions Nouveau Monde, vient de paraître