Tiger dans la trappe de sable
La
chronique de Richard Martineau
21/02/2010
Dans la Chine communiste, les citoyens soupçonnés d’avoir critiqué Mao devaient parader en public avec, accrochée
autour du cou, une pancarte sur
laquelle on pouvait lire la
liste des crimes qu’ils avaient commis.
LA
CÉRÉMONIE DU PARDON
En URSS,
les ennemis de la révolution
devaient demander pardon au peuple
au terme d’un procès truqué, avant d’être envoyés au goulag.
Et au Moyen-Orient,
les adversaires de l’Islam doivent dévoiler leurs crimes devant les caméras avant d’être égorgés comme des bêtes.
Aux États-Unis,
vous pouvez critiquer le système avec autant de virulence que vous le voulez, on ne vous en tiendra pas rigueur. Au
contraire : on va saluer votre liberté de pensée.
Mais si jamais
vous êtes pris en flagrant délit d’infidélité conjugale, on va vous obliger
à parader devant les caméras, à demander pardon à votre
femme et à sangloter sur l’épaule d’Oprah.
C’est arrivé à des politiciens, c’est arrivé à des vedettes de cinéma.
Et
c’est arrivé à Tiger Woods.
UNE
QUESTION DE RELIGION
Bizarre de pays, quand même. On élève les tueurs en série au rang de superstars, mais
on traite les maris infidèles comme s’ils étaient des criminels. Comme s’il n’y avait
pas pire abomination que de
trahir les liens sacrés du mariage.
Tout ça
a sûrement un lien avec le protestantisme.
En effet, chez les protestants, il
n’y a pas de clergé ni de Vatican. L’institution la
plus importante est la communauté. Ce n’est pas l’Église qui prend soin des pauvres, c’est la communauté.
De même,
lorsque vous avez erré, vous
ne confessez pas votre péché à un prêtre derrière une porte close. Vous demandez pardon à votre communauté.
C’est elle qui va vous
juger et qui va décider si, oui
ou non, vous
méritez une seconde chance.
DES
LIENS SACRÉS
Hier, sur mon
blogue, je disais que c’était quand
même surréaliste de voir Tiger Woods expier ses péchés de la sorte. Après tout, il n’a tué personne,
à ce que je sache !
«Mais
ce n’était pas Tiger Woods
qui parlait, m’a répondu un lecteur, Gilles
Ouellette. C’était Tiger Woods Inc. Il faisait une opération
de relations publiques pour sauver
son produit…» C’est la meilleure explication de l’affaire
que j’ai lue. Le gars ne demandait pas
pardon à sa femme (elle n’assistait même pas à la conférence de presse). Il demandait pardon à ses commanditaires.
Ce ne sont pas les liens sacrés du mariage qui étaient en cause. Ce sont les liens sacrés des contrats qu’il a signés avec Nike, Gatorade et Gillette.
C’est ça qu’il tentait
de sauver!
POUR
LE MEILLEUR
Quand deux personnes se marient, elles s’unissent «pour le meilleur et
pour le pire».
Mais quand une
entreprise accepte de s’associer à une personnalité, c’est pour le meilleur seulement.
Tu fais le con et tu salis la réputation
de notre image de marque?
Bye bye, notre union est annulée. Tu
prends tes cliques et tes claques, et tu sacres le camp.
«Pour se sortir
d’une trappe de sable, il ne faut pas frapper trop fort, il faut y aller
avec souplesse et calme», disent les spécialistes. C’est ce qu’a
fait Tiger vendredi. Il a montré
patte blanche pour se sortir du trou. On a beau dire,
les tyrans savaient comment
remettre les pécheurs dans le droit chemin.